Le diaire des Jacobins du 24 mars 2020
Le fortifiant spirituel pour temps d’épidémie
Dosage quotidien
Mémoire et promesse
Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram
Nous nous sommes attachés hier à la figure d’Abraham. Étrange idée, n’est-ce pas, en plein milieu d’une épidémie. Comme si nous n’avions pas de préoccupation plus urgente que de nous intéresser à un homme parmi des milliards, perdu à quelques millénaires de nous, araméen errant entre la Syrie et l’Égypte.
Textes commentés
Écriture sainte
Dt 7, 7-8 ; 8, 1-3.5 : Le Seigneur vous aime
Si le Seigneur s’est attaché à vous et vous a choisis, ce n’est pas que vous surpassiez en nombre tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous les peuples mais parce que le Seigneur vous aime et parce qu’il a voulu tenir le serment qu’il avait fait à vos pères, le Seigneur vous a fait sortir par sa main puissante et vous a rachetés de la maison de servitude de la main de Pharaon, roi d’Égypte. Vous aurez soin de mettre en pratique tous les commandements que je vous prescris aujourd’hui afin que vous viviez que vous croissiez que vous entriez et que vous preniez possession du pays que le Seigneur a juré de donner à vos pères. Tu te souviendras de tout le chemin par lequel le Seigneur ton Dieu t’a fait marcher pendant ces quarante années dans le désert afin de t’humilier et de t’éprouver pour connaître les sentiments de ton cœur, si tu garderas ou non ses commandements, Il t’a humilié il t’a fait avoir faim et il t’a nourri de la manne que tu ne connaissais pas et que n’avaient pas connue tes pères afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur. Ton vêtement ne s’est pas usé sur toi et ton pied ne s’est pas enflé pendant ces quarante années afin que tu reconnaisses en ton cœur que comme un homme instruit son enfant ainsi le Seigneur ton Dieu t’a instruit.
Saint Augustin
Sur le Psaume 101, § 5 (trad. de l’édition Poujoulat et Raulx, 1864-1872) — Texte du Ps 101 (hébreu 102), 2-5 (trad. BJ) : « Seigneur, entends ma prière, que mon cri parvienne jusqu’à toi ; ne cache pas loin de moi ta face au jour où l’angoisse me tient, incline vers moi ton oreille, au jour où je t’appelle, vite, réponds-moi ! Car mes jours s’en vont en fumée, mes os brûlent comme un brasier ; battu comme l’herbe, mon cœur sèche et j’oublie de manger mon pain ».
Commentaire — Jette un regard sur Adam, d’où est venu tout le genre humain… Maintenant donc qu’il est incorporé au Christ, qu’il dise avec espérance, lui qui, en se regardant lui-même, ne pouvait que désespérer « Mon cœur a été frappé comme l’herbe, et s’est desséché ». Et cela bien justement, car toute chair est une herbe (Is 40, 6). Mais d’où te vient cet état ? « C’est que j’ai oublié de manger mon pain ». Car Dieu lui avait donné le pain d’un précepte. Qu’est-ce en effet que le pain de l’âme, sinon la parole de Dieu ? Or, à la suggestion du serpent, et devant la sollicitation de la femme, il toucha au fruit défendu, et oublia le précepte. Ce fut donc justement que son cœur fut frappé comme l’herbe, et se dessécha, parce qu’il avait oublié de manger son pain. Oubliant de manger ce pain, il avala ce poison ; et son cœur fut frappé et se dessécha comme le foin. C’est de cet homme frappé que Dieu parle en Isaïe, et à qui il dit : « Je ne serai pas irrité éternellement : c’est de moi que vient l’esprit, c’est moi qui ai créé tout ce qui respire. À cause de son péché, je l’ai quelque peu contristé et frappé, j’ai détourné de lui mon visage » (Is 57, 16-18). C’est donc avec raison que cet homme dit ici à Dieu : « Ne détourne pas de moi votre visage […]. Mon cœur a été frappé comme l’herbe, et s’est desséché, parce que j’ai oublié de manger mon pain ». Mange maintenant ce pain oublié. Ce pain est venu lui-même ; et, incorporé à lui, tu peux te souvenir de cette parole de l’oubli, crier dans ta pauvreté, afin de recevoir ses richesses. Mange, maintenant que tu es incorporé à celui qui a dit : « Je suis le pain de vie descendu du ciel » (Jn 6, 41). Tu avais oublié de manger ton pain, mais depuis qu’il est cloué à la croix, tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur, et se convertiront à lui (Ps 21, 28). Qu’après l’oubli vienne enfin le souvenir ; que l’on mange ce pain du ciel, et que l’on vive ; qu’on mange, non point la manne, comme ceux qui en mangèrent et qui moururent (Cf. Jn 6, 49), mais ce pain dont il est dit : « Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice » (Mt 5, 6).
Saint Thomas d’Aquin
La dévotion est l’acte caractéristique de la vertu de religion, c’est-à-dire ce que l’on fait lorsqu’on se place face à Dieu. Ou, plus exactement, ce que l’on doit à Dieu en raison de tout ce qu’Il a fait pour nous. Or dans l’acte de dévotion, il y a toujours le mouvement de l’espérance, soit parce qu’on espère la bonté divine, soit parce qu’on espère le soutien divin.
Sum. theol., IIa-IIae, q. 82, a. 4, resp.
D’elle-même, la dévotion apporte principalement à l’esprit la joie spirituelle. Mais elle apporte aussi, comme une conséquence possible, de la tristesse. En effet, la dévotion découle d’une double considération. D’un côté, et de manière principale, on va considérer la bonté de Dieu, et cette considération s’attache au but que vise la volonté dans son mouvement lorsqu’elle se porte vers Dieu. La considération de la bonté divine procure donc toujours une délectation, comme le dit le Psaume 76, 4 : je me souvenais de Dieu et me réjouissais. Mais il arrive que cette considération cause une tristesse chez ceux qui ne jouissent pas encore pleinement de Dieu [précisément par qu’ils sont encore éloignés de cette bonté divine qu’ils espèrent]. Un autre psaume l’exprime (41, 3) : mon âme a soif du Dieu de vie, quand le verrai-je face à face ? qui continue : je n’ai de pain que mes larmes, la nuit, le jour. D’un autre côté, et de manière seconde, la dévotion naît de la considération de ses propres déficiences. En ce cas, cette considération s’attache à la situation dont l’homme cherche à s’éloigner par le mouvement de sa volonté, et la dévotion n’existe pas alors d’elle-même mais de ce que, considérant ses défaillances, on se confie en Dieu. La considération des déficiences [seconde considération d’où dérive la dévotion] produit donc l’inverse de la considération de la bonté divine [première considération qui cause la dévotion]. D’elle-même elle est faite pour engendrer la tristesse, puisqu’on repense à ses propres défauts, mais elle peut conduire à la joie dans la mesure où l’on espère le soutien de Dieu.