Le diaire des Jacobins du 30 mars 2020
Le fortifiant spirituel pour temps d’épidémie
Dosage quotidien
La crainte jusqu’au face à Face
Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram
Nous avons constaté dans notre précédente discussion que l’espérance des biens est inséparable de la crainte des maux. Celui qui espère être en bonne santé ne peut que craindre d’attraper le virus. Celui qui espère avoir de quoi vivre craint les conséquences économiques du confinement.
Textes commentés
Écriture sainte
Eccl. 24, 1.5-7.22-29
La Sagesse loue sa propre âme,
Elle sera honorée en Dieu
Glorifiée au milieu de son peuple […] :
Saint Augustin
Ps 18, 10 (version africaine) : La crainte du Seigneur est chaste et elle demeure dans les siècles des siècles.
Homélie sur le Psaume 127, 8 (trad. éd. Raulx)
Quelle est cette crainte chaste ? C’est, mes frères, la crainte que l’on nous désigne dans ces paroles: Bienheureux ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent dans ses voies. Si le Seigneur me fait la grâce de parler dignement de cette crainte chaste, plusieurs d’entre vous pourront bien passer de la crainte chaste aux flammes du chaste amour; et peut-être ne saurais-je me faire comprendre sans une comparaison. Voici une épouse chaste qui craint son mari, et une épouse adultère qui également craint son mari. L’épouse chaste craint que son mari ne s’éloigne ; l’épouse adultère craint qu’il ne revienne. Que le mari de l’une et de l’autre soit absent : l’une craint qu’il ne vienne, l’autre qu’il ne tarde à venir. Or, l’Époux auquel nous avons été fiancés est en quelque sorte absent, il est absent Celui qui nous a donné l’Esprit-Saint pour gage de sa fidélité, absent Celui qui nous a rachetés au prix de son sang ; […] Il est beau, mais il est absent. Que l’épouse s’interroge et voie si elle est chaste. […] Interroge ta conscience. Veux-tu qu’il vienne, ou veux-tu qu’il tarde ? Voyez, mes frères, voilà que je frappe à la porte de vos cœurs ; mais c’est lui qui entend votre réponse. […]
Cité de Dieu, 14, 9, 5 (trad. éd. Raulx)
Saint Anselme de Cantorbery
Homélie 1
Je suis la mère du bel amour, et de la crainte, et de la connaissance, et de la sainte espérance. En moi est toute grâce de vie et de vérité, en moi toute espérance de vie et de force. La Sagesse, qui est le Christ, est la mère du bel amour. Car elle engendre le bel amour spirituel et non l’amour hideux, non pas l’amour indécent mais l’amour noble, non pas l’amour voluptueux mais l’amour chaste. La Sagesse est aussi la mère de la crainte, de la crainte filiale ou chaste, car le principe de la sagesse est la crainte du Seigneur (Ps 110,10), et le bel amour, engendré par la Sagesse, engendre lui-même la crainte chaste de Dieu. La Sagesse est encore mère de la connaissance, car personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils a voulu le révéler (Mt 11,27). Il a dit aussi : je vous annonce ouvertement le Père (Jn 16, 25). Ainsi donc la Sagesse, qui est le Fils, est mère de la connaissance. Et elle l’est encore de la sainte espérance, car il n’y a pas d’espérance des réalités saintes si le Christ ne l’engendre. L’espérance sainte en effet est d’accéder au royaume de Dieu et à sa justice. La Sagesse donne vraiment cette espérance, dans laquelle est toute grâce de vie et de vérité, parce que personne ne peut atteindre la vie perpétuelle ou la vérité immuable de sa béatitude si ce n’est par la grâce qui est dans cette Sagesse, c’est-à-dire dans le Christ. Le Christ lui-même, en effet, est la vérité et la vie (Jn 14). C’est pourquoi toute espérance de vie et de force est en lui. Car c’est seulement par lui que celui qui espère droitement trouve la vie bienheureuse et la force de son immortalité, et peut posséder la force d’une bonne manière de vivre.
Saint Thomas d’Aquin
Sum. theol., IIa-IIae, q. 17, a. 8
Il y a un amour imparfait et un amour parfait. L’amour parfait est celui par lequel on aime quelqu’un pour lui-même, en sorte qu’on lui veut du bien. C’est ainsi que l’ami aime son ami. L’amour imparfait quant à lui est l’amour par lequel on aime quelque chose non en elle-même, mais pour que ce bien vienne jusqu’à nous-même. Ainsi de l’homme qui aime une chose qu’il convoite. Selon la première forme d’amour, aimer Dieu relève de la charité, qui unit à Dieu pour Lui-même. L’espérance relève quant à elle de la seconde forme d’amour, car celui qui espère entend obtenir un bienfait. C’est pourquoi selon la manière dont les choses s’engendrent, l’espérance vient avant la charité. Ainsi, quelqu’un est conduit à aimer Dieu [de charité] en passant par la crainte d’être puni par lui, ce qui l’amène à rompre avec le péché. […] De même l’espérance introduit à la charité en tant que quelqu’un, espérant recevoir de Dieu son salaire, est excité à aimer Dieu et à pratiquer ses commandements. Maintenant, si l’on se place du point de vue de la perfection, la charité est par nature antérieure à l’espérance. C’est pourquoi, lorsque la charité survient [dans l’âme], l’espérance est rendue plus parfaite. En effet, ceux dont nous espérons le plus, ce sont nos amis.
Sum. theol., IIa-IIae, q. 18, a. 10, ad 2
La crainte de la peine est celle qui diminue à mesure que croît l’espérance. Mais à mesure que croît l’espérance, croît aussi la crainte filiale. Car lorsqu’on attend avec plus de certitude d’obtenir un bien grâce à l’aide de quelqu’un d’autre, alors on craint d’autant plus de l’offenser ou d’être séparé de lui.