Le diaire des Jacobins

Sonnerie pour espérer : 4 avril

Le diaire des Jacobins du 4 avril 2020

Le fortifiant spirituel pour temps d’épidémie

Dosage quotidien

 

La prière dans les voies de Dieu

 

Adiutorium nostrum in nomine Domini, qui fecit caelum et terram

Les deux pages précédentes de notre diaire nous ont montré que l’espérance porte la prière et s’exprime dans la prière. Avec Anne, nous avons rencontré un modèle d’orante, soulevée tout entière par son espérance jusqu’à remettre son désir entre les mains de Dieu. Salomon nous a quant à lui enseigné à ne pas prier dans le vide mais à adresser notre prière au Seigneur du ciel et de la terre.

Dieu suscite en nous nos prières pour que nous participions à ce qu’il veut donner. Notre prière, c’est notre part d’homme à ce que la volonté de Dieu soit faite. Il y a donc quelque chose de déroutant dans l’activité de la prière. Elle jaillit de l’espérance aussi nécessairement que l’eau jaillit de la source. À condition qu’elle soit ajustée à la volonté de Dieu, elle est efficace puisque Dieu accorde ses dons à cause d’elle. Et pourtant elle est humble parce qu’elle ne prétend pas apprendre à Dieu ce qu’il devrait faire, elle n’entend pas enseigner à Dieu de meilleurs desseins ou l’amener à de meilleurs sentiments. On ne prie donc pas pour changer Dieu, mais pour participer à ce grand mouvement que Dieu imprime dans le monde pour amener le monde jusqu’à lui.

Textes commentés

Écriture sainte

Is 55, 6-11 : Le cycle de la Parole de Dieu

Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver, appelez-le quand il est proche. Que le méchant abandonne sa voie, et l’homme de péché ses complots. Qu’il se convertisse au Seigneur qui le prendra en pitié, vers son Dieu car il abonde en pardon. « Car mes pensées ne sont pas vos pensées, mes voies ne sont pas vos voies, oracle du Seigneur. Comme les cieux s’élèvent au-dessus de la terre, ainsi s’élèvent mes voies au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus de vos pensées. De même que la pluie et la neige descendent du ciel et ne retourne pas là-haut sans avoir arrosé la terre, l’avoir fécondée et fait bourgeonner, de sorte qu’elle donne sa semence au semeur et son pain pour manger – de même il en sera de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas à moi en vain, sans avoir accompli mon bon plaisir et faire croître ce pour quoi je l’avais envoyée. »

Saint Irénée

Contre les hérésies, II, 13, 3

À propos des Valentiniens : « S’ils avaient connu les Écritures et s’ils s’étaient mis à l’école de la vérité, ils sauraient que Dieu n’est pas comme les hommes et que les pensées de Dieu ne sont pas comme les pensées des hommes. Car le Père de toutes choses est à une distance considérable d’une psychologie et de phénomènes propres à des hommes : il est simple, sans composition, sans diversité de membres, tout entier semblable et égal à lui-même, car il est tout entier Intellect, tout entier Esprit, tout entier Intellection, tout entier Pensée, tout entier Parole, tout entier Ouïe, tout entier Œil, tout entier Lumière, tout entier Source de tous les biens. Voilà comment il est loisible à des hommes religieux de parler de Dieu. »

Écriture sainte

Mt 16, 21-23

À dater de ce jour, Jésus commença de montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, y souffrir beaucoup de la part des Anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter. Pierre, le tirant à lui, se mit à le morigéner en disant : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera point ! » Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Passe derrière moi, Satan ! tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes ! »

1 Co 2, 14

L’homme laissé à sa seule nature n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu. C’est une folie pour lui, il ne peut le connaître, car c’est par l’Esprit qu’on en juge.

Benoît XVI

Sauvés dans l’espérance, n° 2

Paul rappelle aux Éphésiens que, avant leur rencontre avec le Christ, ils étaient « sans espérance et sans Dieu dans le monde » (cf. Ep 2,  12). Naturellement, il sait qu’ils avaient eu des dieux, qu’ils avaient eu une religion, mais leurs dieux s’étaient révélés discutables et, de leurs mythes contradictoires, n’émanait aucune espérance. Malgré les dieux, ils étaient « sans Dieu » et, par conséquent, ils se trouvaient dans un monde obscur, devant un avenir sombre. « In nihil ab nihilo quam cito recidimus (Du néant dans le néant, combien rapidement nous retombons) », dit une épitaphe de l’époque — paroles dans lesquelles apparaît sans ambiguïté ce à quoi Paul fait référence. C’est dans le même sens qu’il dit aux Thessaloniciens : vous ne devez pas être « abattus comme les autres, qui n’ont pas d’espérance» (1 Th 4, 13). Ici aussi, apparaît comme élément caractéristique des chrétiens le fait qu’ils ont un avenir : ce n’est pas qu’ils sachent dans les détails ce qui les attend, mais ils savent de manière générale que leur vie ne finit pas dans le néant.

Saint Thomas d’Aquin

Commentaire sur He 6, 6

He 6, 6 : Il est impossible pour ceux qui ont une fois été illuminés, qui ont goûté au don céleste, qui sont devenus participants de l’Esprit-Saint, qui ont savouré la belle parole de Dieu et les forces du monde à venir, et qui néanmoins sont tombés [en apostasiant totalement le Christ], de les rénover une seconde fois […alors qu’ils bafouent publiquement le Fils de Dieu].

Commentaire — Dans cette phrase, l’auteur expose les biens qui ont été reçus. Certains sont présents et d’autres sont futurs. Dans le présent, on possède la régénération spirituelle qui se fait par le baptême, et c’est pourquoi il dit illuminé. Le baptême est appelé avec raison une illumination, car il est le principe de la régénération spirituelle en raison de l’illumination de l’intelligence par la foi. Ep 5, 8 : Autrefois vous étiez ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. On possède aussi une participation aux biens de Dieu et c’est pourquoi l’auteur dit que l’on a goûté au don céleste […] et que l’on est participant de l’Esprit-Saint. En effet, tous les biens nous étant donnés par amour, on attribue cette participation à l’Esprit-Saint. Car participer, c’est prendre part. Or seul le Christ possédait l’Esprit-Saint en plénitude (Jn 3, 34). Les autres saints reçoivent de sa plénitude et sont fait participants de cette plénitude par sa diffusion. On possède aussi dans le présent l’instruction sur un enseignement. C’est pourquoi l’auteur dit que l’on savoure la belle [ou la bonne] parole de Dieu. Cette parole est qualifiée de bonne parce qu’elle est la parole de la vie éternelle (Jn 6, 69 ; Ps 118, 103). Et cette parole est savourée parce que non seulement elle illumine l’intelligence, mais aussi elle renforce l’affection, et l’on y trouve alors une saveur. Ps 33,8 : Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon. Enfin, nous possédons les biens futurs en espérance (Rm 8, 24), ce que l’auteur appelle les forces du monde à venir. Et ces forces nous les avons non seulement en espérance, mais elles ont déjà commencé dans ces dons faits à l’âme […] qui sont la foi, l’espérance et la charité.

Introduction aux Psaumes

L’âme s’élève vers Dieu de quatre manières. Dans la première, elle s’élève pour admirer la grandeur de sa puissance. Ainsi, Is 40 : Levez vos yeux vers le ciel, et voyez qui a créé tout cela ; ou le Ps 103 : Qu’elles sont admirables toutes tes œuvres, Seigneur. C’est l’élévation de la foi. Dans la seconde, l’esprit s’élève pour tendre à l’excellence de la béatitude éternelle. Ainsi Jb 11,15 : Allons, redresse tes pensées, tends tes paumes vers Lui ! […] Alors tu lèveras un front pur, tu seras ferme et sans crainte, ton épreuve, tu n’y songeras plus, oubliée comme des eaux passagères ; ta vie, plus radieuse que le midi, fera de l’obscurité même une aurore. Plein d’espoir, tu seras en assurance. Ceci, c’est l’élévation de l’espérance. L’esprit s’élève d’une troisième manière pour se fixer dans la bonté et la sainteté divines. Ainsi, Is 51 : Éveille-toi ! Relève-toi Jérusalem. Voici l’élévation de la charité. Enfin, l’esprit s’élève pour imiter la justice divine dans une œuvre. Ainsi, Lm  3 : Levons nos cœurs et nos mains vers Dieu dans le ciel. C’est l’élévation de la justice.

Commentaire sur He 6, 7

He 6, 7 : En effet, lorsqu’une terre a bu la pluie venue souvent sur elle, et qu’elle produit des plantes utiles à ceux-là même pour qui elle est cultivée, elle reçoit de Dieu une bénédiction.

Commentaire — Cette terre, c’est le cœur humain dont il est parlé en Lc 8, 15 : Le grain qui tombe dans la bonne terre est celui qui tombe dans un cœur bon et généreux. [La terre se prête à cette image] car de même que la terre a besoin de pluie, de même l’homme a besoin de la grâce de Dieu. Ps 64, 9 : Tu visites la terre et tu l’abreuves ; Is 55, 10 : Comme descend du ciel la pluie ou la neige, et qu’elle ne remonte pas sans avoir abreuvé la terre, et l’avoir fécondé, et l’avoir fait germer. Le bienfait que reçoit la terre, c’est l’enseignement de la foi qui est comme une pluie qui tombe, car il tombe dans les cœurs de ceux qui écoutent […] (Is 5, 6 ; Jb 36, 27). Et la pluie est absorbée lorsque celui qui écoute comprend ce qu’il entend et est disposé à le recevoir. Is 55, 1 : Vous tous qui avez soif, venez vers les eaux… écoutez et votre âme vivra. Cet enseignement est au-dessus, il vient d’en-haut, et ce détail indique soit son origine, […] soit qu’il porte sur les réalités du ciel (Jc 3, 15), soit qu’il dépasse les capacités de la raison humaine. […] L’auteur précise que cette pluie ne vient pas en permanence, ni rarement, mais souvent. Comme l’explique Augustin, repris par la Glose, si elle venait en permanence, elle se déprécierait, tandis que si elle était rare, elle ne suffirait pas et on la négligerait (Jb 16, 2). Le fruit de cette pluie est de produire un fruit utile au cultivateur. Ce fruit, ce sont les bonnes œuvres, celles que fait l’homme en s’appuyant sur l’enseignement qu’il a reçu (Gn 1, 11). La terre est cultivée d’abord par Dieu (Jn 15, 1 : Mon Père est le vigneron). Puis par celui qui a charge de ses frères (1 Co 3, 6 : J’ai planté, Apollos a arrosé). Enfin par l’homme lui-même. Pr 24, 27 : prends soin de ton champ. Le fruit de la terre sert donc d’abord pour la gloire de Dieu (1 Co 10, 31 : Faites tout pour la gloire de Dieu), et il sert aux autres pour le mérite et la gloire (1 Th 2,20). Mais pour ceux-là même qui opèrent, il sert à la vie éternelle : Vous fructifiez pour la sainteté, et l’aboutissement, c’est la vie éternelle (Rm 6, 22). En disant qu’une telle terre reçoit la bénédiction de Dieu, l’auteur montre la récompense, c’est-à-dire la bénédiction divine. Cette bénédiction ne consiste en rien d’autre qu’à faire la bonté en nous [la grâce rend gracieux], de manière imparfaite en cette vie, mais parfaite dans la vie future. 1 P 3, 9 : C’est à cela que vous avez été appelés, à posséder la bénédiction par héritage.

 

Dominicains de Toulouse
fr. Alain Quilici