Sonnerie pour espérer
Notre secours est dans le nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre !
Bienvenue à vous qui nous rejoignez. Prenez place autour de notre table. Trois frères prêcheurs de Toulouse sont déjà là. Le frère Renaud Silly, le frère Eric Pohlé et moi-même, Emmanuel Perrier. Trois frères de l’Ordre des prêcheurs, que l’on appelle couramment dominicains, et que l’on connaît aussi, spécialement à Toulouse, sous le nom de jacobins. Depuis l’annonce du confinement de la population française afin de réduire la progression de l’épidémie du coronavirus 2019-nCov, nous avons décidé de nous fixer un rendez-vous, après chaque lever du soleil, pour nous entretenir de l’espérance. Nous verrons si nous pouvons tenir le rythme de ces rencontres quotidiennes. Mais acceptons-en au moins l’intention et inaugurons ce qui sera un diaire, le « diaire des jacobins ». Nous voici donc au matin du 19 mars 2020, et nous nous plaçons sous la protection de saint Joseph puisqu’aujourd’hui est sa fête.
Le sujet de nos discussions sera l’espérance et en voici la raison. Il y a deux mois, on recensait 300 personnes en Chine affectées par le nouveau virus. Une clameur s’élevait dans le lointain, à l’autre bout du monde, et elle nous parvenait, amplifiée par mille hauts-parleurs. Il y a un mois, la déflagration s’était rapprochée de nous, heurtant les rives de l’Europe, et le nombre était passé de 300 à 75.000. Aujourd’hui, nous dépassons les 200.000 cas détectés et la France est devenue un foyer majeur d’infection. L’alarme s’étend tout autour de nous, à nous étourdir. Déjà des proches ont contracté la maladie, les médecins et infirmiers se préparent à être débordés comme en Italie. Nous savons encore peu de choses sur ce nouveau virus, mais ce que nous savons n’augure rien de bon. Certes, apparemment, la grande majorité recouvrera la santé sans trop de dommages, mais le fléau laissera derrière lui une immense cohorte de morts. Et l’épidémie risque de durer longtemps, revenant à la charge par de nouvelles vagues.
Dans nos anciennes cités, dans nos vieux villages, les cloches des églises sonnaient pour avertir du danger, pour alerter les distraits ou les inconscients, pour imprimer, par la vibration, l’alarme dans les corps et dans les esprits. Nous avons aujourd’hui des flux continus d’information qui ont remplacé ces cloches par le brouhaha des nouvelles. Des images, des commentaires, des témoignages, nous emplissent les oreilles et nous ébranlent. Comment est-ce possible ? Est-ce la fin prochaine de ma vie ou de celle de mes parents ou amis ? L’effondrement économique est-il en vue ? Est-ce la fin d’un monde, pourtant si avancé et puissant ? Alors s’installent la crainte et l’angoisse, voire la panique ou la terreur. On n’arrive plus à se détacher de ces nouvelles, elles nous obsèdent et nous paralysent.
Il est temps, il est nécessaire, de faire retentir la sonnerie des cloches, un tintement qui redonne du cœur parce qu’il s’élève vers le ciel, une vibration qui soulève en nous l’espérance. Nous avons besoin d’une sonnerie qui l’emporte sur la panique parce qu’elle sonne plus profond. Il est temps que résonne la Parole de Dieu pour ce qu’elle est : une sonnerie pour espérer. Toutes les saintes Écritures attestent que Dieu a parlé pour nous conduire sur le chemin du salut : la voix qui sort de sa bouche guide nos pas comme une voie vers la vie. Par la force irrésistible de la Parole divine, et seulement par elle, la paix revient dans l’âme qui l’accueille avec foi. Le monde vacille mais la Parole de Dieu n’est pas de ce monde. S’appuyer sur le monde conduit au désespoir, s’appuyer sur Dieu redonne l’espérance.
Nos discussions sur la Parole de Dieu, nous les concevons donc comme des antiviraux contre le désespoir. Nous voulons nous administrer mutuellement le remède de l’espérance en écoutant ensemble ce que Dieu vient nous dire. Aujourd’hui. Au sein du désarroi.