Homélie du 14 octobre 2007 - 28e DO
fr. Jean-Hugo Tisin

Au soir de sa vie, l’apôtre Paul enchaîné à Rome, proclame une ultime fois «son Évangile». Nous sommes sauvés par la foi au Christ mort et vivant à jamais dans la Vie nouvelle auprès de son Père. Ses «ultima verba» sont: «la grâce soit avec vous».

C’est dans ce don de la grâce du Seigneur que nous sommes invités à méditer les textes de la liturgie de la Parole. Quelle que soit notre origine, que l’on soit juif ou païen, nous sommes appelés au salut par la foi en Christ; l’enseignement donné ce matin est clair: deux étrangers, deux exclus de leur communauté sont guéris de la lèpre, introduits de nouveau dans le monde des vivants, illuminés intérieurement par la présence de Dieu. Les signes de cette présence sont divers, sans doutes, difficiles à interpréter, mais tous s’orientent vers le «Fils de David», par qui une Vie nouvelle nous est donnée par grâce.

Afin de mieux comprendre l’Évangile, replaçons-le dans le contexte présenté par Luc: Jésus a pris «résolument la route de Jérusalem» (Lc 9, 51) ; c’est en chemin qu’il déclare à ses disciples: il faut que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté par cette génération, les scribes et les prêtres.

À l’horizon se dresse le temple de Jérusalem, le lieu précisément que devront atteindre les lépreux guéris afin d’être reconnus purifiés. De quel mal, ces dix hommes souffrent-ils? Ils portent dans leur chair, la marque de ce mal effrayant dont l’humanité ne pouvait par elle-même se guérir. Telle était, dans l’antiquité, la vision que l’on avait de cette maladie. Elle est aussi symbole de tout ce qui est atteinte à la dignité d’homme, par suite, elle a pour conséquence d’exclure l’homme «frappé» (tel est le sens du terme hébreu!) de sa communauté. De plus, cet homme est soumis de la part des prêtres à toutes sortes d’interdits et seuls les prêtres ont capacité d’introduire l’impur dans la communauté. Les dix hommes ont fait immédiatement confiance à la parole du «Maître», Luc, on l’a remarqué est le seul évangéliste à adresser ce titre à Jésus: Maître, c’est-à-dire le maître des éléments, celui qui peut changer les «reins et le cœur».

Première expression d’une foi, ou du moins, à distance, expression de la confiance. Or, seul, l’étranger samaritain est revenu sur ses pas pour manifester son action de grâce. Dans la prostration, il a reconnu l’auteur véritable de la guérison de son mal ; il avait crié «grâce, pitié», il rend grâce, maintenant, avec les termes mêmes de l’Eucharistie. Jésus se dévoile ici, le prêtre qui réintroduit l’impur dans la communion avec Dieu et les hommes, le Temple véritable dont la Présence fait jaillir un relèvement, une Résurrection: «Relève-toi, pars!»

Avec Lui, nous montons à Jérusalem. Le samaritain, c’est un visage de l’homme sauvé, invité à rendre grâce ; chacun de nous se présente devant le Seigneur, avec ses souffrances évidentes ou cachés ; une foule de témoins nous accompagne dans la montée, l’aveugle de Jéricho, Zachée, le fils prodigue, le bon larron, les disciples fuyant vers Emmaüs! Jésus épouse la condition du Serviteur souffrant qui lui aussi était «frappé» et humilié, retranché du nombre des vivants. «Baptisés dans le Christ Jésus, c’est dans sa mort que nous avons été baptisés (Rm 6, 3-4).