Homélie du 25 novembre 2007 - Solennité du Christ Roi
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Même si la royauté ne fait plus vraiment partie de notre paysage politique, nous avons tout de même une certaine image, de ce que devrait être un vrai roi: Un roi est puissant et fort, il est juste, sage, magnanime, il est riche et miséricordieux, mais surtout, un roi est beau. Et le Christ, notre Roi, le Roi de l’univers est beau. Le psalmiste le souligne particulièrement quand il dit: «Tu es beau, le plus beau des enfants des hommes, la grâce est répandue sur tes lèvres.» (45, 3) Mais le psalmiste ne magnifie pas simplement la beauté extérieure du sauveur. La grâce répandue sur ses lèvres renvoie à la beauté intérieure des paroles du Christ et à la splendeur de son message. Ainsi dans la beauté du Christ nous apparaît plus encore la beauté de la vérité, la beauté de Dieu lui-même, cette beauté bouleversante provoquant en nous cette blessure d’amour qui cherche l’union avec l’aimé. Déjà Platon considère la rencontre avec la beauté comme ce bouleversement salvifique qui arrache l’homme du contentement de sa vie quotidienne et l’attire vers le haut. La beauté blesse, mais ainsi elle éveille l’homme vers sa plus haute destinée, car elle peut transporter le regard de l’homme jusqu’à Dieu, désirant déjà, même s’il est encore en exil, la communion et l’union avec celui qui est la source de toute beauté. La beauté du Christ nous bouleverse et en même temps elle nous ouvre la porte vers une connaissance que la seule déduction rationnelle ne peut pas nous donner.

Mais l’Évangile d’aujourd’hui nous fait tourner notre regard vers le Christ en croix. En regardant le Christ crucifié nous voyons un roi «sans beauté ni éclat pour attirer nos regards, et sans apparence qui nous eût séduits» comme nous dit le prophète Isaïe (53, 2). Nous sommes confrontés à toute la laideur de la croix. Les chefs du peuple juif et les soldats romains nous le redisent mainte fois et encore aujourd’hui retenti leur écho: Regardez bien votre roi. Toute sa beauté n’est que mensonge, voilà la vérité, voilà la réalité, celui qui prétendait être roi est humilié autant qu’il est possible à un homme de l’être. Comment pouvez vous croire encore à son message? Son message était beau comme lui, mais malheureusement il était trop beau pour être vrai.

Mais il n’y a pas seulement ceux qui se moquent de sa faiblesse apparente qui voient la croix de Jésus. Il y a aussi le bon larron. Celui-là a un autre regard sur le Christ en croix et cela non pas seulement parce qu’il est dans la même situation que Jésus, puisque son collège reste aveugle jusqu’à la dernière minute. Le bon larron découvre en Jésus sur la croix une beauté plus profonde encore que la beauté apparente. Il découvre en Jésus Christ, en ce Jésus maltraité, flagellé, couronné d’épines et crucifié la beauté de son amour. La lance qui transpercera le cœur de Jésus a déjà transpercé le cœur de ce bon larron. Il ne désire rien d’autre que d’être amené vers le royaume où règne ce roi qui a un amour si grand que personne ne pourra jamais aimé autant. Il ne désire rien d’autre que d’être toujours avec celui qui lui a ouvert son cœur et en même temps ses yeux: «Jésus, souviens-toi de moi, lorsque tu viendras avec ton royaume» Et Jésus lui dit: «En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis.»

Frères et sœurs, pour que le Christ puisse vraiment devenir le Roi de notre cœur, il nous faut purifier notre regard porté vers lui. Nous devons réapprendre à regarder le Christ dans sa beauté paradoxale. En voyant Jésus sur la croix, notre regard intérieur doit se libérer de la domination du regard purement extérieur pour apprendre par la prière un regard qui dépasse l’apparence pour gagner les profondeurs de la vérité. Le regard purifié vers le Christ en croix nous ouvrira, comme pour le bon larron, notre propre cœur pour accueillir ce Roi qui dit: «Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.» Ainsi, comme au bon larron Jésus nous dira: «Encore aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis.» car Jésus aura déjà aujourd’hui et maintenant établi son royaume dans notre cœur. Il n’y a qu’une seule condition: qu’on se laisse blesser par la beauté paradoxale du Christ, cette beauté, qui n’est pas mensonge, mais vérité. Frères et sœurs, regardons le Christ crucifié et faisons confiance à son amour, cet amour qui a pu risquer de se dépouiller de sa beauté extérieure pour ainsi annoncer la splendeur de la vérité.