Homélie du 6 novembre 2011 - 32e DO
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Je ne suis pas vraiment matinal, mes frères vous le diront, et pourtant, sauf panne de métro, je n’ai jamais raté un train. Il faut dire que la nuit précédant un départ aux aurores, mon sommeil se fait généralement plus léger que d’habitude. Je dors, mais pas de ce sommeil lourd capable de résister à la sonnerie stridente de mon réveil.

Deux raisons peuvent expliquer chez nous cette capacité à rester prêts ou vigilants, à dormir tout en veillant.

La première raison se tient du côté de la crainte. Nous dormons d’un œil voire moins, parce que nous sommes terrorisés à l’idée de ne pas nous réveiller : c’est la vigilance craintive.

La deuxième raison, plus positive, est à chercher du côté du désir. Si nous sommes capables de sauter du lit pour partir à la gare, c’est que nous attendons, non sans impatience, de toucher au terme de notre voyage. La perspective réjouissante de revoir un ami, de prendre part à une fête familiale ou bien de vivre un temps de vacances nous maintiennent éveillés : c’est la vigilance amoureuse. Le désir est en nous une force à laquelle aucun sommeil ne peut résister, si confortable soit la couche. A l’inverse, la panne d’oreiller pourra être le signe de la faiblesse, voir de l’absence de notre désir de nous rendre à un rendez-vous chez le dentiste ou à l’anniversaire de belle-maman.

Cette dynamique du désir, que je viens d’illustrer, joue un rôle clef dans notre vie spirituelle.

Et ce point, me semble-t-il, est cœur de la parabole des dix vierges.

La finale de l’évangile avec l’image de la porte fermée, le « je ne vous connais pas » et l’invitation pressante à veiller pourraient susciter quelque angoisse chez le croyant, toutefois, le contexte de la parabole nous prévient contre toute tentation de faire de la crainte de la damnation l’unique moteur de notre vie spirituelle. En effet, les dix vierges se rendent à des noces et non à un enterrement. Elles sont poussées par le désir de rencontrer l’époux. On les imagine aisément toutes frétillantes à l’idée de prendre part à la fête et pas le moins du monde angoissées par la perspective d’être refoulées à la porte de la salle des noces. Dans cette parabole, il n’est question que de désir et d’amour sous le signe de l’attente et cette attente va précisément révéler quel amour alimente le désir des vierges.

Si les dix vierges sont mues par le désir de rencontrer l’époux, ce désir n’est pas chez toutes de même intensité, il n’est pas promis à la même longévité. Les vierges folles comme les sages tiennent en main une lampe, signe de leur commun désir d’approcher l’époux, mais seules les sages ont prévu de l’huile pour alimenter la flamme de leur « loupiote ». Ainsi peut-on douter de l’intensité du désir des vierges folles d’être avec l’époux et de se réjouir de sa présence. Leur manque de prévoyance tient plus de l’acte manqué que de la simple négligence, d’où le reproche sévère que leur fera l’époux. On pardonne aisément aux distraits, mais plus difficilement aux personnes dont on attend des preuves d’amour. Le manque d’huile trahit la faiblesse de l’amour de nos vierges folles. A l’inverse, l’épreuve de l’attente a révélé l’ardeur de l’amour des vierges sages pour l’époux. Elles se sont assoupies, mais leur cœur a veillé. La flamme de leur désir ne peut s’éteindre car elle ne cesse jamais d’être alimentée par l’huile de leur amour pour l’époux.

Cette parabole, frères et sœurs, nous rappelle au moins trois vérités fondamentales pour notre vie spirituelle.

La première, si elle est évidente, est toujours bonne à redire. Le début et le moteur de toute vie spirituelle sont le désir de Dieu, le désir d’être en sa présence. « Dieu, tu es mon Dieu, et je te cherche dès l’aube : mon a soif de toi ». Sans cette soif primordiale de Dieu, nous ne serons jamais que des âmes assoupies. Si nous avons l’impression que notre vie spirituelle est au point mort, demandons à Dieu de réveiller en nous le désir de le connaître.

Le deuxième enseignement que l’on peut tirer de cette parabole est que le simple désir ne suffit pas, qu’il ne tiendra pas la distance. Notre désir de Dieu doit se faire désir ardent, désir amoureux. Le carburant de notre recherche de Dieu, c’est l’amour.

Mais une vie, cela peut être long et Dieu peut se faire désirer une vie entière. Pour que la flamme de notre désir d’être avec lui ne finisse pas par s’éteindre, il nous faut sans cesse demander à Dieu de l’alimenter par l’huile sainte de son propre amour : en somme son Esprit Saint. C’est là le troisième enseignement. Nous ne pouvons aller à Dieu avec une réserve d’amour limitée comme nos vierges folles. Si intense et sincère que soit dans les premiers temps notre amour pour Dieu, celui-ci s’éteindra s’il n’est pas constamment alimenté par un amour supérieur et infini.