Homélie du 4 mars 2012 - 2e DC
fr. Arnaud Blunat

De larges horizons, des espaces immenses, nous avons la chance d’en contempler dans notre belle région toulousaine, des sommets des Pyrénées aux plaines du Lauragais. Et bien ce sont aussi de larges horizons que nous découvrons aujourd’hui en ce 2ème dimanche du carême. Après le désert de la solitude intérieure, après le face à face avec le diable, c’est à présent un autre face à face auquel nous sommes conviés. La Transfiguration de Jésus est une rencontre au sommet, une ascension fulgurante, un rendez-vous inoubliable! Il n’est toutefois point de paysage somptueux mais seulement une lumière resplendissante, saisissante, et celui que nous contemplons dans cette lumière, nous le verrons tel dans sa résurrection, prélude à l’éternité qu’il nous promet.

Bien longtemps auparavant, Abraham a lui aussi entrevu cet horizon, ce bonheur sans fin, à travers la promesse d’une bénédiction: «Je bénirai ceux qui te béniront. En toi seront bénies toutes les familles de la terre. Je ferai de toi une grande nation». Oui, frères et sœurs, Dieu nous a donné une vocation sainte, comme nous dit Saint Paul, il a fait resplendir sur Jésus notre sauveur la vie et l’immortalité par l’annonce de l’évangile.

Mais nous le savons cependant, la route sera longue, comme elle l’a été pour Abraham, comme elle l’a été pour Jésus, comme elle le sera pour les apôtres et pour chacun d’entre nous. Le chemin de la vie humaine est et sera toujours exigeant. Ce deuxième dimanche nous présente une nouvelle tentation, plus redoutable que les tentations que Jésus a éprouvées au désert. Cette tentation, c’est l’apôtre Pierre qui la présente à Jésus lorsqu’il est sur la montagne: «dressons ici trois tentes», dit-il, alors qu’il est complètement bouleversé par la vision de Jésus étincelant de lumière. Arrêtons le temps, n’allons pas plus loin, nous sommes si bien ici! Pierre n’a décidément pas compris la leçon qu’il vient de recevoir. Car juste avant, Jésus lui avait lancé vertement: «arrière Satan, tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes».

Cette tentation est bien réelle et constitue un obstacle en ce temps de carême. Toutes les occasions sont bonnes pour adoucir le chemin de notre démarche spirituelle. Le découragement guette toujours à un moment ou à un autre, et s’empare même des plus téméraires. J’entends déjà ceux qui ont suivi Jésus, qui l’ont vu prendre la route de Jérusalem: mais jusqu’où ira-t-il donc? Sa famille pensait qu’il avait perdu la tête. Ses contemporains ne comprenaient pas quand il disait qu’il voulait donner sa vie, qu’il voulait donner sa chair à manger. Pourquoi vouloir aller jusqu’à une telle extrémité? Le discours de la foi ne passe pas aux yeux des hommes. Et tu voudrais Seigneur que nous prenions notre croix et marchions à ta suite? Laisse-moi te dire, Seigneur, que tu ne trouveras plus grand monde à l’arrivée. Tout avait si bien commencé sur la montagne des Béatitudes, au bord du lac de Galilée, quand tu accueillais les malades, consolais les affligés et annonçais le royaume de ton Père. Et voilà que sur la montagne de la Transfiguration, tu te révèles dans ta transcendance, comme jadis Dieu sur le Sinaï.

Frères et sœurs, je vois encore une tentation pointer à travers cet épisode: et si tout cela n’était qu’un rêve, qu’une illusion? Moïse et Elie qui apparaissent et discutent avec toi, Seigneur. La voix du Père qu’on entend dans le ciel, comme auparavant sur les eaux du baptême? Non Seigneur, c’est trop beau pour être vrai. Tu dis que tu vas mourir et ressusciter d’entre les morts? Et plus tard tu diras à tes disciples qu’eux aussi passeront de la mort à la vie, que tu vas leur préparer une place, que tu les ressusciteras au dernier jour?

Revenons à la réalité. Que voulons-nous vraiment? Rester confortablement repliés sur ce que nous connaissons, enfermés dans ce qui nous rassure, malgré la souffrance que nous éprouvons de constater notre péché? 0u bien avancer à la suite de Jésus en portant nos regards vers cet horizon qu’il nous dévoile? Non pas l’horizon d’un monde illusoire, celui des fausses idoles que nous présente le démon, mais l’horizon d’un monde bien réel où tous les hommes sont véritablement fils de Dieu, frères en Jésus Christ. Il nous faut pour cela oser l’enjeu de la rencontre avec le Christ à travers les nombreuses occasions de le voir en nos frères. Les temps de méditation et de réflexion, les actions de partage et de solidarité, les efforts de renoncement et de conversion, ne sont-ils pas là pour nous faire passer de l’apathie, du découragement, de la tentation du surplace, à la dynamique ascensionnelle de la foi, de l’espérance et de la charité?

La transfiguration de Jésus nous invite à regarder en pleine lumière le monde tel que Dieu le voit. Ce monde appelé à se laisser renouveler dans son amour. Ce monde que nous pouvons encore transformer par Dieu, avec Dieu et en Dieu. Que ce Dieu des grands espaces et des vastes horizons nous introduise dans la réalité de son mystère. Car nous sommes tous faits pour la vie et pour la lumière véritables. Et si nous voulons avoir part à la résurrection, alors, il nous faut nous mettre en route à la suite de son fils Jésus, prendre notre croix et marcher avec lui, dès aujourd’hui!