Homélie du 7 avril 2012 - Vigile Pascale
fr. Arnaud Blunat

Frères et sœurs, arrêtons-nous un instant au milieu de cette nuit exceptionnelle. Chaque année, nous célébrons la Pâque du Christ Jésus, son passage de la mort à la vie, son triomphe sur le mal et le péché! Si c’est en chacune de nos eucharisties que nous faisons mémoire de Jésus Christ mort et ressuscité, c’est en vertu de ce mystère que nous célébrons spécialement en cette nuit et qui rend actuel et vivant ce qui s’est passé il y a deux mille ans à Jérusalem! Il nous faut revenir sur les événements que nous avons commémorés durant toute cette semaine. Rappelez-vous dimanche dernier lorsque nous avons acclamé le Christ montant vers Jérusalem, entouré par ses apôtres, fêté comme un roi, reconnu comme le Messie annoncé par les prophètes, nos rameaux d’olivier en mains! Mais d’un coup, nous avons été plongés dans le climat poignant de la Passion, bouleversés de voir cette assemblée si joyeuse et spontanée devenir une foule gorgée de haine et de violence, odieusement manipulée par la caste des prêtres vendus et le groupe des pharisiens jaloux! Nous avons ensuite vécu les derniers moments que Jésus a passés avec ses apôtres dans le cénacle (?) puis nous l’avons suivi au jardin des oliviers, assisté à son arrestation (?) nous l’avons suivi sur le chemin du calvaire, insulté et humilié, frappé et torturé, nous l’avons entendu prononcer des paroles de pardon et de réconfort, du haut de la croix où il a été dressé. Seuls, Marie sa mère et Jean, le disciple bien aimé, avec Marie Madeleine et quelques disciples, l’ont vu remettre sa vie en livrant son esprit, ils ont reçu son corps meurtri et l’ont déposé dans un tombeau à proximité. Et voilà, tout est désormais fini. L’histoire de cet homme exceptionnel s’achève dans le silence du tombeau, la pierre qu’on a roulée devant l’entrée devait sceller la destinée de cet homme appelé à disparaître de la mémoire des hommes à tout jamais.

Mais que s’est-il donc passé, pour qu’à l’aube du 3ème jour, le sabbat passé, une incroyable nouvelle se répande, bousculant tout ce que la raison pouvait imaginer, renversant les certitudes de ceux qui étaient bien persuadés de l’échec évident de la mission de ce Jésus qui se disait Fils de Dieu? Que signifiait cette histoire de pierre roulée, d’homme vêtu de blanc, de crucifié «ressuscité»? Pourquoi ces femmes auparavant si déterminées et désormais toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes? Ce qui s’est passé en cet instant ne peut pas être le fruit d’une invention, le résultat d’une hallucination. Les hommes et les femmes qui ont été témoins de l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus n’ont pas compris ce qui se passait quand ils l’ont vécu. En ce sens, ils sont comme vous et moi, ils sont parfaitement normaux. Il leur a fallu du temps pour se rappeler les paroles de Jésus, pour les relire à la lumière des prophéties antérieures. Mais ils ont vite constaté que le tombeau où Jésus avait été déposé était bel et bien vide. Tel était le signe que Dieu voulait donner aux hommes. Jésus voulait nous dire par toute sa vie, depuis sa naissance jusqu’à sa mort et sa résurrection qu’il n’y avait pas d’autre moyen pour détruire la mort et l’extirper définitivement de l’humanité. Dieu, en Jésus Christ, a directement affronté la mort, celle qui nous coupait depuis les origines de la source de la vie. Voyez comment tout cela s’enchaîne parfaitement. En entrant dans l’humanité, Jésus a été couché dans une mangeoire, préfigurant son offrande en nourriture, son sacrifice d’amour. En quittant notre humanité, Jésus a été couché dans le tombeau, préfigurant la dernière étape par laquelle tout homme doit passer, préfigurant la mort que nous avons tant de mal à envisager, pour ceux que nous aimons autant que pour nous-mêmes. Or Jésus n’est pas mort seulement pour détruire la mort. Jésus est mort pour détruire le péché qui atteint le cœur de l’homme et l’entraîne dans la mort. Désormais, vide est le tombeau, parce que Jésus a le pouvoir de détruire en nous ce qui nous condamne à mort! Vide est le tombeau, pour qu’une page dans notre histoire humaine soit définitivement tournée et que nous n’ayons plus la tentation de revenir en arrière! Vide est le tombeau pour que resplendisse en nous la vie du ressuscité! La foi nous pousse résolument en avant, dans l’espérance de la vie bienheureuse, dans la joie du bonheur à venir.

Frères et sœurs, nous avons peut-être été marqués récemment par un deuil, ou nous sommes encore pleins d’interrogations au sujet de notre propre mort qui un jour adviendra. Paul nous dit: Si nous mourrons avec le Christ, avec lui nous vivrons. Si nous souffrons avec le Christ, avec lui nous régnerons! C’est notre «homme ancien» qui doit mourir et que pourtant nous avons tant de mal à abandonner! Avec ces fêtes pascales, il nous a été proposé de recevoir le pardon de tous nos péchés, en venant humblement accuser ces péchés. Et si nous avons faits cette démarche en vérité, alors nous sommes passés de la mort à la vie et nous éprouvons une joie que personne ne pourra nous ravir. Comme pour le peuple conduit par Moïse, la mer s’est ouverte pour nous et a englouti ces misères humaines qui nous enferment en nous-mêmes, ces tendances égoïstes de la chair qui font la guerre au-dedans de nous, ces agissements coupables dont nous voulons résolument nous détourner (?) nous nous sommes à nouveau plongés dans la mort du Christ pour renaitre dans sa lumière de sa résurrection! Frères et sœurs, tout ce dont je vous parle, tout ce que nous enseigne l’Église à travers les Ecritures, ce ne sont pas que des images, des comparaisons. C’est la réalité la plus réelle qui soit et contre lequel l’esprit du monde s’acharne sans modération. Celui qui, dans la foi, confesse ses fautes et se détourne du péché, peut comprendre le mystère du tombeau vide. Il est déjà orienté vers la résurrection et la vie éternelle. Si en effet le Christ a pris sur lui notre péché pour le détruire sur la croix, alors, il est logique qu’au matin de la résurrection, il n’y ait plus rien dans le tombeau. Le Christ est libre et tout homme qui croit que Jésus Christ est Seigneur et Sauveur pour le salut du monde, est libre, libre pour aimer, libre pour ne pas retourner à son ancien esclavage, libre pour annoncer à tous le message de la vie. Dans ce monde qui vit dans l’illusion, seuls les hommes de foi sont libres. Mais pour autant le combat continue, et avec la force que nous donne le Christ, nous serons définitivement victorieux. N’ayons pas peur d’en témoigner avec toute la force de la foi que nous venons de renouveler en la célébration de ces mystères. Le Christ est ressuscité! Il est vraiment ressuscité! Si nous ne croyons pas que le Christ est ressuscité, alors la mort n’est que tristesse, désolation et fatalité! Et vaine est notre vie. Que cette célébration nous permette de vivre notre mort au péché comme une victoire du ressuscité et notre mort à venir comme un gage de vie éternelle! Amen.