Homélie du 10 septembre 2000 - 23e DO

EPHATA!

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Un peu de théologie!… Savez-vous frères et sœurs, qu’un dogme de notre foi catholique affirme que «l’Homme est capable de Dieu». C’est-à-dire que l’Homme à travers le monde qui l’entoure, le monde sensible, est capable de connaître quelque chose de Celui qui est au-delà de tout et qui explique tout. Pour cela, il lui faut s’ouvrir, plus précisément, il lui faut ouvrir ses sens: ouvrir sa bouche, tendre les oreilles, ouvrir ses yeux, dilater ses narines et les pores de sa peau. Ainsi par le travail de son intelligence, l’homme peut connaître le Créateur à travers la beauté de la création. On peut donc affirmer que le papou dans sa forêt tropicale, l’esquimau sur sa banquise… et même, le jeune motard dans sa banlieue peuvent connaître Dieu par eux mêmes… du moins en théorie, car l’Église ajoute aussitôt après qu’en pratique, jamais l’homme n’a été capable d’atteindre réellement quelque chose de Dieu. Et cela à cause du péché. Le péché, en effet, a enténébré l’intelligence de l’homme, il a rendu l’homme incapable d’aller jusqu’au bout de sa recherche de l’absolu, pire, le péché a dérouté cette recherche, il l’a conduit sur de fausse piste et l’Homme s’est trouvé de faux dieux, il s’est fabriqué des idoles! Et les idoles sont légions, il y a les idoles de matière, de pierre, de bois, de métal: mon veau d’or, ma voiture, ma maison, mon argent… Mais il y a aussi des idoles faites avec les idées des hommes: les idéologies! Mon parti, ma révolution, ma théorie psychanalytique, mon pouvoir… Il y a même des idoles faites avec les dons de Dieu accaparés par l’homme, rappelez-vous la colère du Christ envers les pharisiens idolâtres de la loi, du temple ou du sabbat!

En dernière analyse, frères et sœurs, l’idole des idoles, la principale idole, celle à laquelle se réfèrent toutes les autres idoles, le principal écran entre l’Homme et Dieu, c’est l’Homme lui même. L’Homme a fini par s’ériger en idole, même ses sens que Dieu lui a donnés pour connaître la réalité du monde extérieur et de son Créateur, l’homme a retourné ses sens pour n’en faire que des moyens de sensation intérieure! On veut même nous faire croire que le monde pourrait être totalement irréel et virtuel! L’essentiel c’est l’Homme tourné vers lui-même, et en se tournant vers lui même, l’Homme s’est refermé, il a bouché ses sens, il est devenu comme les idoles de jadis, comme le veau d’or: Il a une bouche et ne parle pas, il a des oreilles et n’entend pas!!! Tel est bien le cas du pauvre sourd-muet de l’Évangile: il a une bouche et ne parle pas, il a des oreilles et n’entend pas!!! Il représente l’humanité captive du péché, l’humanité suppliante empêtrée dans son idolâtrie…

Et c’est pour cela que le Christ ne se contente pas de lui imposer les mains comme on le lui demande. Il va poser cinq gestes pour manifester l’ouverture complète des cinq sens de cet homme. Il prend l’Homme et le mène à part: EPHATA! Il met son doigt dans ses oreilles EPHATA! Il prend de sa salive et en dépose sur sa langue: EPHATA! Il soupire et son haleine emplit les narines de l’Homme: EPHATA! Enfin il regarde vers le ciel puis lui dit: EPHATA! Ouvre-toi, ne sois plus un mulet privé de sens, éveille toi toi qui dors, ne sois plus une idole, sois un homme, un fils de Dieu.

Voilà ce que signifie la guérison du sourd-muet! Il y a là tout le mystère de l’Incarnation, tout ce que nous célébrons avec faste depuis 2000 ans à Noël et au cours de ce Jubilé. Car si le Verbe s’est fait chair et s’il a habité parmi nous, corporellement, physiquement, c’est précisément pour accomplir ce que nous le voyons faire dans cette page d’Évangile: pour nous toucher et nous ouvrir à la vie de la grâce, pour nous dire EPHATA! Mais attention, frères et sœurs, l’Ephata de Jésus n’est pas un mot magique, ce n’est pas Abracadabra! Ce n’est pas Sésame ouvre toi! Car même réduit par le péché, l’Homme garde aux yeux de Dieu sa dignité et sa liberté. Cet Ephata répond à une demande de l’Homme. Dieu qui t’a créé sans toi ne veut pas te sauver sans toi. Cette demande, c’est celle du peuple qui attendit si longtemps la venue de son messie, le Libérateur: MARANATHA! Cette demande c’est celle du sourd-muet qui attend sur le bord de la route le passage de Jésus: MARANATHA! Cette demande, c’est celle de tous les prisonniers, tous les aveugles, tous les boiteux, tous les sourds et tous les muets: MARANATHA: Viens Seigneur ne tarde plus viens! Et toi, mon frère quelle est ta demande? Le Christ n’a pas changé, il est toujours le même, il vient encore aujourd’hui pour nous toucher et nous ouvrir à la vie de la grâce. Il le fait aujourd’hui par le ministère de l’Église et le don des sacrements. Le sacrement de l’Ephata par excellence, c’est le baptême. Il nous délivre du péché et nous ouvre à la vie de la grâce. Mais tous les sacrement nous ouvrent à quelque aspect particulier de la vie avec Dieu: D’une huile parfumée, la confirmation insuffle en nous le souffle de vie; l’eucharistie ouvre notre bouche pour que s’y déposent le Corps et le Sang du Seigneur… Mais Dieu dans sa bonté infinie a voulu nous offrir un autre sacrement de l’Ephata pour toutes les fois ou l’idolâtrie nous reprend, c’est le sacrement de la réconciliation. Là nous vivons comme en résumé la guérison du sourd-muet; là le Christ nous mène à l’écart et répond au Maranatha de la confession de nos péchés par l’Ephata de l’absolution: je te pardonne tous tes péchés.

Ainsi rendu à nouveau capables de Dieu, de le connaître et de l’aimer nous ne pouvons plus nous taire et comme le sourd-muet, nous crions les merveilles du Christ, nous témoignons de ce que nous avons vu et entendu!

Amen!