Homélie du 25 décembre 2007 - Jour de Noël

Et le Verbe s’est fait chair…

par

fr. Olivier de Saint Martin

Cette nuit, nous nous sommes émerveillés avec les anges et les bergers, avec Marie et Joseph, de cet enfant qui est né. Cet Enfant n’est pourtant pas seulement un enfant d’homme, il est en même temps le Fils Unique de Dieu. Saint Jean l’appelle le Verbe de Dieu – on pourrait dire la Parole de Dieu – pour manifester que cet Enfant est aussi intime avec Dieu que notre propre parole est intime avec notre être quand elle jaillit du plus profond de notre cœur.

Dieu, nous disait l’épître aux Hébreux, par la bouche des prophètes a parlé à son peuple à bien des reprises et de bien des manières. Cette parole de Dieu avait accompagné depuis des siècles l’histoire d’Israël et la grande prière juive commence par ces mots: Écoute Israël! Appel auquel le psalmiste répond: Seigneur, Tu m’as ouvert l’oreille. Alors j’ai dit: Voici je viens. Mais voilà, au bonheur proposé par Dieu, l’homme a préféré une vie à sa petite mesure. L’homme n’attendait plus grand-chose de son Créateur… Mais le Seigneur, Lui, voulait que se réalise son dessein éternel qui est de nous rendre participant de sa nature. Alors le Verbe qui était au commencement auprès de Dieu, le Verbe qui était avec Dieu, le Verbe qui était Dieu s’est fait chair. Il ne fut pas engendré d’un vouloir d’homme, puisque l’homme ne voulait plus rien. Mais c’est de Dieu qu’il fut engendré et qu’Il a pris chair. Parce que Dieu voulait tout pour l’homme.

Et le Verbe a habité parmi nous. Il est venu chez lui, dans ce monde qu’Il avait créé mais le monde ne l’a pas reconnu. Les siens ne l’ont pas accueilli. Lorsque Joseph a frappé avec Marie à la porte de l’hôtellerie, il n’y avait pas de place. Hérode fera massacrer tous les enfants de moins de 2 ans pour être certain de tuer l’Enfant-Roi. Trop nombreux seront ceux qui, au long de la Vie de Jésus lui fermeront leur cœur, réalisant ainsi la prophétie du vieillard Syméon: Il sera un signe de contradiction, cause de chute et de relèvement pour beaucoup en Israël.

Saint Jean poursuit: Ce qui fut dans le Verbe était la vie et la vie était la lumière des hommes. Mais, alors, comment expliquer ces guerres, ces injustices, ce mal qui sont si présents dans notre monde? Où est cette vie et cette lumière du Verbe? Et ce 25 décembre qu’est-il pour nos contemporains? Un jour férié où l’on mangera et boira un peu plus que de raison? Et nous qui sommes rassemblés au Nom du Christ, nous qui fêtons sa venue dans le monde, que reste-il de Sa lumière dans nos cœurs? N’avons-nous pas, parfois jusque dans nos familles, un pardon à donner, une indifférence à dépasser, un jugement à revoir? Nos yeux sont-ils seulement alourdis par le sommeil ou bien sont-ils voilés pour éviter de trop regarder la lumière sans déclin qui vient nous visiter? Le Verbe de Dieu est-Il véritablement notre vie et notre lumière? Voilà la question fondamentale qui nous est posée aujourd’hui.

Sans doute devons-nous reconnaître que le Verbe n’est pas totalement chez lui en nous, que nos yeux sont encore obscurcis par les ténèbres de la mort . Mais nous savons aussi que la lumière brille dans les ténèbres et que les ténèbres ne l’ont pas arrêtée. Nous avons l’espérance qu’avec la venue de Dieu dans le monde, le monde peut changer. Que nous pouvons changer.

 

Voici que je me tiens à la porte et je frappe dit le Seigneur. Chez celui qui ouvre j’entrerai et je prendrai chez lui mon repas. Il y a bientôt 150 ans, la Vierge Marie disait à la petite Bernadette, celle-là même qui est dans notre crèche: Voulez-vous me faire la grâce de venir ici? Aujourd’hui le Verbe de Dieu qui s’est fait chair nous pose exactement la même question, avec la même délicatesse: Voulez-vous me faire la grâce de m’accueillir dans votre cœur, de me donner votre amitié? C’est le mystère d’un Dieu qui se fait petit et pauvre pour mendier notre cœur. A ceux qui le reçoivent, ceux qui croient en son Nom, à ceux là, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. C’est le mystère de l’Église qui se constitue. C’est notre mystère qui se célèbre.

Cette Église, ce peuple saint n’est pas la lumière, mais elle lui rend témoignage afin que tous croient par elle. Comme Jean le Baptiste autrefois, l’Église a à rendre témoignage à la Lumière. En venant mendier notre cœur le Verbe de Dieu nous propose de participer au mystère de la Rédemption. Et c’est pour cela qu’il s’est entouré durant sa vie: d’abord de Marie et de Joseph, puis des disciples et des saintes femmes. Et, depuis par la multitude des saints qui ont comme prolongé le mystère de l’Incarnation au milieu de la société dans laquelle ils vivaient. Ils sont d’ailleurs là, aujourd’hui, dans notre crèche. Mais nous, frères et sœurs, en serons-nous? Allons-nous nous laisser totalement saisir par la lumière pour devenir ses témoins? Aujourd’hui, le Verbe de Dieu nous demande notre cœur pour y faire sa demeure. Il a besoin de nous pour être toujours plus présent au monde. Lui donnerons-nous cette humanité de surcroît? C’est cela être enfant de Dieu, naître de Dieu: recevoir la grâce et la vérité qui sont venues par Jésus-Christ pour devenir ses compagnons. Pour devenir ses frères et ses sœurs. Pour devenir fils dans le Fils.

Aujourd’hui nous contemplons sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. Une gloire qui se révèle dans la chair d’un nouveau né que nous ne savons d’ailleurs peut-être pas trop comment aborder… L’homme dont le cœur est touché est parfois bien maladroit… Mais quelle merveille que l’amour d’un Dieu qui se fait si petit pour que nous n’ayons pas peur d’être pardonnés, réconciliés. Qui se fait si petit pour que nous nous approchions sans crainte et le prenions dans nos bras pour le serrer sur notre cœur. C’est la raison de notre communion d’aujourd’hui. Nous célébrons la Nativité au cours d’une eucharistie qui fait mémoire et actualise la mort et la résurrection de Jésus. C’est la Pâque du Christ qui commence. Recevons-Le en lui donnant notre cœur pour être ses compagnons jusqu’au bout, tout au long de notre vie. Et qu’ainsi nous puissions nous écrier: Dieu, personne ne l’a jamais vu mais le Fils qui est dans le sein du Père, lui nous l’a fait connaître. Oui, de sa plénitude, nous avons tous reçu, et grâce sur grâce.