Homélie du 24 juin 2001 - Nativité de saint Jean-Baptiste

Naissance du Baptiste Jean: Yo-Hanan, Dieu fait grâce

par

fr. Bernard Autran

Après les Fêtes et les Temps qui nous ont fait revivre en ses grandes étapes le passage du Seigneur Jésus parmi nous, le hasard du calendrier nous donne, cette année l’occasion de fêter la Naissance de Jean Baptiste. Nous ne reprendrons qu’ensuite les enseignements du Christ à travers l’Évangile de St Luc. L’Église ne nous fait ordinairement fêter que la naissance des saints au Ciel. Nous fêtons principalement Notre Seigneur à Sa Résurrection et Son Ascension, mais nous célébrons aussi Sa Naissance sur notre Terre et encore celle de Sa Mère et de Jean Baptiste. N’est-ce pas pour souligner l’extraordinaire Don qu’en eux Le Père nous a fait?

Cela nous le trouvons déjà souligné dans l’Écriture Sainte. Parmi ceux qui ont joué un rôle de premier plan dans l’histoire du Peuple plusieurs n’auraient naturellement pas dû naître. Entre autre: Isaac l’Enfant de la Promesse à l’origine du Peuple, Samson, le prophète Samuel. En dernier Jean-Baptiste. Le Seigneur a voulu ainsi souligner à quel point pour servir les leurs, ils leur étaient donnés par une attention spéciale de Son Amour.

Jean, lui, avait été destiné à être, après Marie, le grand serviteur du dessein de Dieu sur l’humanité. Ce que nous venons de lire en Isaïe préfigure sa mission. Il est appelé dès les entrailles de sa mère, doit ramener son peuple au Seigneur, devenir la lumière des nations. Il a du prix aux yeux du Seigneur, lui qui va annoncer la Venue du Christ. Humble serviteur, après avoir remué les foules, arrêté par Hérode, puis mis à mort, il semblera avoir usé ses forces pour rien. Mais quand les Apôtres annonceront le Christ à des juifs, comme Paul à Antioche de Pisidie, ils affirmeront que s’il accomplissait les Promesses faites à David, c’était Jean qui avait annoncé Sa Venue et préparé le Peuple à le recevoir en appelant à se convertir.

Sa future mission est longuement soulignée dans l’Évangile de Luc, dans une séquence dont le missel nous a donné à lire deux extraits dans la messe de la veille et celle du jour. C’est le Porche de l’Évangile, l’ouverture solennelle de l’Œuvre de Dieu qui veut nous sauver en Son Fils Jésus. Son père, Zacharie, était un jour chargé d’offrir l’encens dans le Sanctuaire. Le peuple en prière s’étonnait de le voir tarder à en ressortir. Un ange lui était apparu. Lui dont la femme Élisabeth était stérile et âgée comme lui, il lui avait annoncé un fils futur prophète à l’égal d’Élie. Rempli de l’Esprit Saint dès avant sa naissance, il ferait revenir au Seigneur de nombreux fils d’Israël, préparerait au Seigneur un peuple capable de L’accueillir.

Le Seigneur l’a donc appelé miraculeusement pour une mission toute spéciale, mais n’est-ce pas ce qu’il accomplit plus discrètement pour chacun de nous, pour tout enfant à qui Il donne le jour? Chacun est unique, on le savait, mais les progrès de la génétique l’ont confirmé d’une manière étonnante: chacun réalise une existence sur 500 millions possibles! Chacun a du prix à Ses Yeux. Il a sur lui l’ambition de lui voir partager Sa Joie en se faisant à sa manière serviteur de celle de ses frères. Pour cela, chacun est comblé de Dons différents. Certains paraissent mieux dotés. Aux yeux des hommes, cela pourrait sembler une injustice! Mais si nous savons voir avec les yeux de la Foi, il n’y a rien à jalouser, car Dieu nous aime tous. Lorsqu’il nous sera donné, dans Sa Maison, de dépasser les apparences pour contempler la réalité, nous nous rendrons compte combien les dons faits à chacun auront été merveilleux Apprenons à en rendre grâce. Surtout demandons à l’Esprit Saint de leur faire porter du fruit. Sachons respecter profondément chaque enfant et chaque personne pour y découvrir l’amour dont Le Seigneur la prévient, même au delà des apparences!

        L’enfant promis devrait s’appeler Jean. Le mot français, contracté, ne donne qu’un faible écho de son origine. La transcription « Jehan », « Johann » serait plus proche de « Yo-Hanan« , « Dieu fait grâce« . Ce nom imposé par l’Ange était l’annonce de sa vocation, de la merveilleuse ambition du Seigneur sur lui. Chez les juifs, les noms étaient souvent significatifs, Élisabeth: « Éli-schabat » « Mon Dieu a fait serment » Zacharie: « Zachar-Yah » « Dieu S’est souvenu », et surtout Jésus « Ye-schouah »: « Dieu sauve ». Ces noms nous révèlent diverses facettes de ce que, dans Son Amour, Il veut accomplir pour nous. Mais dans Son Attention, Sa Tendresse, c’est à des nôtres qu’il confie l’honneur de le réaliser. Peut-être une lourde charge, c’est notre seule vraie joie, celle d’y consacrer sa vie et ainsi d’imiter Son Amour en prenant part à Son Œuvre, elle passera en Vie éternelle.

Jean a répondu à cet appel. Il a mené une vie austère au désert. Il n’a pas cherché des satisfactions immédiates, mais a trouvé une plus grande joie en se consacrant à sa mission, et jusqu’au sang. C’est ainsi qu’en lui, « Dieu a fait grâce » à ses frères, et à lui! Nos noms ne sont en général pas aussi porteurs de signification. Mais notre patronyme rappelle notre enracinement dans une famille, notre prénom, normalement celui d’un saint, nous donne un modèle, influence quelquefois notre vocation. Et, par delà celui que nous donnent les hommes, selon l’Apocalypse, Le Seigneur donne au vainqueur un Nom nouveau que lui seul découvre. A la suite de Jean et de tant d’autres, saurons-nous à notre tour, le décrypter? Il désigne l’appel particulier, personnel dont I1 nous honore, cette vocation à vivre, peut-être péniblement, un amour imité du Sien. C’est la source de notre joie difficile et la promesse du Bonheur à partager avec nos frères! Que Son Esprit nous ouvre le cœur et l’intelligence pour que nous comprenions mieux à notre tour que nous avons du Prix à Ses Yeux, que notre nom à nous aussi est « Yo-Hanan », « Dieu nous a fait grâce », et aussi, par nous, à nos frères!