Homélie du 31 mars 2018 - Vigile pascale

Nous sommes passés par le feu et par l’eau, et tu nous as fait reprendre haleine

par

fr. Nicolas-Jean Porret

Il y a déjà deux heures, nos pieds hésitants, nos pas vacillant à la lueur du feu de Jésus-Christ ressuscitant, nous sommes entrés dans cette église comme on entre dans un tombeau. On se serait cru dans les entrailles du monstre marin qui jadis engloutit Jonas. On se serait cru avec les saintes femmes inquiètes d’aller au sépulcre au lendemain du grand Sabbat.

Et nous voici désormais éblouis et un peu désemparés…

Sur cet autel, il y a trois jours, Jésus, après avoir lavé les pieds de ses disciples — c’était un exemple, afin que nous fassions de même —, nous réunissait pour la dernière Cène ; à table avec les douze, il nous confiait, à nous aussi, le testament de son corps qui allait être trahi et livré aux méchants, de son sang répandu pour la multitude.
Hier la table, dépouillée et nue, était devenue l’autel du sacrifice, le bois de la Croix recevant la rançon du monde, le doux Agneau immolé pour la Pâque nouvelle. Quelle sérénité en lui ! Mais en nous, ses disciples, quelle désolation ! Nous restions suspendus à la Mère douloureuse, au pied de la Croix.

Et voici que par l’œuvre du Christ en la liturgie, cette nuit, pour nous la pierre qui obstruait l’espérance a été roulée. La honte de n’avoir su défendre Jésus et de n’avoir pu le suivre, la condamnation pesant sur notre survivance à sa mort, cette honte et cette condamnation sont renversées et transmuées en une rencontre dans les entrailles de ce tombeau illuminé.

En entrant, à droite, nous avons vu un jeune homme (ou plusieurs) vêtu(s) de blanc… Nous voici entrés dans les entrailles du mystère de Pâques. Ici le corps de Jésus fut déposé par Joseph d’Arimathie (« mais ne vous effrayez pas », dit le jeune homme) ; ici, dans la lumière, avec l’Église tout entière, c’est la Vie nouvelle du Ressuscitant qui nous est offerte.

Comme les croyants de la grande époque byzantine à Jérusalem, au temps du saint évêque Cyrille et de la bonne pèlerine Éthérie, nous aimons entendre le prophète Sophonie : « C’est pourquoi, attendez-moi – oracle du Seigneur –, en vue du jour de ma résurrection (anastasis) dans le martyrium » (So 3, 8 [LXX])… Le martyrium (témoignage) désignait la grande basilique constantinienne appuyée au Golgotha, près du tombeau où Jésus fut déposé. Attendre là le Seigneur, c’était s’appuyer sur le roc du Golgotha et du saint Sépulcre, sur le témoignage de la faveur de Dieu manifestée en son Fils bien-aimé, plus forte que la crainte de son jugement.

Le jour de sa Résurrection, le voici advenu en cette sainte Veillée. Voici que Dieu s’est levé en témoin, non pour nous accuser, mais pour nous donner part à sa Vie toute-puissante.

Jayden-David, Diego-David, Théophile et Quentin-Paul-Cyprien, en cette nuit, puis dans quelques heures la petite Pia, et à 21h ce soir Nicolas (empêché par un nouveau travail de nuit) — mais c’est un Jour unique et nouveau que fait pour nous le Seigneur — ces néophytes sont plongés dans l’histoire sainte du peuple de Dieu. Ils rejettent l’esclavage de l’Égypte, renoncent au mal, professent la foi en Dieu, Père, Fils et Esprit-Saint. Ils sont plongés dans l’eau du baptême comme dans la matrice de l’Église fécondée par le Verbe de Dieu. Ils meurent… mais c’est au péché ! Désormais ils sont assimilés à la victoire de Jésus sur la mort. Consacrés par le chrême du Salut, revêtus de l’innocence du Crucifié, ils sont illuminés par la foi, et voient jaillir en eux le torrent de l’Esprit de Jésus-Christ !

Théophile, Quentin-Paul-Cyprien et Nicolas, baptisés et confirmés, recevront également Jésus-eucharistie : ils seront alors complètement initiés, conformés au Christ, constitués témoins de la Bonne Nouvelle de la Résurrection de Jésus.

Quelle grâce pour eux ! Quelle grâce également pour les jeunes de 6e qui viennent de professer la même foi et qui seront confirmées l’an prochain ! Quelle grâce pour tous les fidèles qui laissent Jésus raviver la source de leur baptême en ce mystère de Pâques !

Le Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! « Allez dire à ses disciples et à Pierre qu’il vous précède en Galilée : c’est là que vous le verrez » (Mc 16, 7).
Oui, allons porter à notre monde la liberté de toute honte révoquée, de la faveur divine manifestée, du Témoignage de Dieu en faveur de son Fils et de tous ceux qui renaissent en lui pour une Vie nouvelle !