Homélie du 15 septembre 2024 - 24e dimanche du T.O.

La foi… jusqu’à la Croix

par

fr. François Daguet

La météorologie de l’évangile est parfois aussi capricieuse que celle des régions tropicales. En quelques instants, on passe d’un ciel serein à des ténèbres de nuages, du beau temps à la tempête.

C’est le cas aujourd’hui avec cet épisode bien connu, celui de la confession de foi de Pierre à Césarée de Philippe. Tout commence par cette magnifique profession de foi : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » Dans le récit du même épisode rapporté par saint Matthieu (16, 13-23), Jésus adresse à Pierre le plus grand éloge : « Bienheureux es-tu Simon, fils de Jonas, car cette révélation t’est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. » Mais voici que, lorsque Jésus annonce aux disciples ce qu’il va subir, Pierre s’insurge et s’attire de la part de Jésus le pire reproche qu’il ait fait à ses disciples : « Passe derrière moi, Satan, tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » C’est-à-dire : « Ne rejoins pas le tentateur qui cherche à me détourner de ma route, depuis le départ. » Le contraste est saisissant et voulu : on passe de la lumière aux ténèbres, de l’élection à la réprobation, des pensées de Dieu à celles des hommes.

Pourquoi cela ? Parce que Pierre, après avoir confessé Jésus comme étant le Christ, le Messie, le Fils de Dieu, refuse qu’il passe par sa passion et sa mort. En somme, que Jésus soit le sauveur du monde, oui, mais qu’il subisse sa passion, non. C’est que la foi de Pierre en Jésus était encore insuffisante. Le reconnaître pour ce qu’il est, c’est bien, mais encore faut-il aller jusqu’à accepter ce qu’il va vivre. L’insurrection de Pierre, nous la comprenons très bien, elle est presque légitime : il ne veut pas que Jésus souffre. Mais attention, ce faisant, il fait obstacle à l’œuvre que Jésus est venu accomplir. La foi en Jésus ne doit pas se contenter de le reconnaître, elle doit adhérer à l’œuvre du salut, qui passe par la Croix. C’est bien pour cela que le Credo que nous réciterons après cette homélie confesse d’abord Jésus comme le Fils unique du Père, avant de dire qu’il a souffert sous Ponce Pilate, qu’il a été crucifié, qu’il est mort… et qu’il est ressuscité des morts le troisième jour. Essayons de ne pas réciter cela sans penser à ce que nous disons, comme si tout cela allait de soi. Aller jusqu’au bout de la foi en Jésus, c’est aller jusqu’à adhérer à la façon dont il nous sauve, c’est-à-dire en offrant sa vie pour nous, et cela doit nous bouleverser, mais non nous révolter.

Ce que Pierre a vécu ne le concerne pas lui seulement, cela nous concerne aussi, et directement. Parce que ce que Jésus a vécu, lui qui est la tête, l’Église qui est son corps est aussi appelée à le vivre. Le corps ne vit pas autre chose que ce qu’a vécu sa tête. Le Catéchisme de l’Église l’affirme clairement : « La consommation de l’Église et, à travers elle, celle du monde, dans la gloire ne se fera pas sans de grandes épreuves » (CEC, no 769). L’Église corps du Christ a vocation à passer par là où est passée sa tête. Cela éclaire les tribulations que l’Église connaît, à toutes les époques, et cela éclaire celles que nous connaissons dans notre vie. Si souvent nous sommes portés à nous révolter face à ce qui est, à vue humaine, injuste, scandaleux : une maladie, un accident, la mort tout simplement, celle des autres et la nôtre. Mystérieusement, c’est par tout cela aussi que le Père nous conduit, et nous sommes spontanément portés à nous révolter, comme Pierre et après lui : « Non, cela ne t’arrivera point ! »

C’est pourtant bien là le sens des épreuves et de la mort chrétienne, comme saint Paul nous l’enseigne dans l’Épître aux Romains (6, 8) : « Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » Et il nous dit aussi que, devenus enfants de Dieu par le baptême, nous en sommes aussi les héritiers : « Héritiers de Dieu, cohéritiers du Christ si du moins nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui » (8, 17). C’est bien pour cela que Jésus ajoute, dans l’évangile de ce jour : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. »

Essayons d’avoir une foi adulte, de regarder en face jusqu’où va notre vie de chrétien, d’enfants du Père configurés au Fils par l’Esprit. Ne soyons pas de ces esprits superficiels tout heureux d’être chrétiens quand tout va bien, et prêts à tout abandonner lorsque surviennent les épreuves. Ne nous insurgeons pas devant la façon de faire de Dieu, sans quoi il va nous dire, à notre tour : « Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. » Et notre manque de foi peut être pour beaucoup une tentation, un obstacle, une façon de les détourner de Dieu.

Que la force puisée dans l’Eucharistie nous aide à être fidèles jusqu’au bout à notre confession de foi.

(Homélie sur Mc 8, 27-35)

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