Homélie du 18 mai 2008 - Trinité

La Trinité, si simple, dans le silence

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Le silence… Quelques secondes de silence, frères et sœurs, dans le fracas de notre monde qui devient fou. Le silence des vents après le passage d’un cyclone. Le silence des gémissements des enfants écrasés sous les décombres de leurs écoles et qui peu à peu s’éteignent, relayés par les cris et les pleurs de leurs parents effondrés. Le silence de nos médias qui jouent la naïveté devant tant d’injustices, devant les chrétiens que l’on persécute et dont on bafoue les droits les plus élémentaires, de l’Algérie à l’Irak, en passant par la Turquie. Le silence coupable de nos démocraties, acheté à coups de contrats mirobolants. C’est le silence de la mort.

Cette mort qui s’étale dans nos médias cette semaine, où les images les plus insoutenables circulent. Qui oserait dire qu’il n’en est pas malade? Il y a la Birmanie et sa population accablée par le passage d’un cyclone… et par l’incurie de ses gouvernants. Plus de 2 millions de personnes sont en danger de mort imminente. Il y a la Chine où l’homme redécouvre qu’il n’est rien face aux forces de la nature… et où les victimes se comptent par dizaines de milliers. Deux pays totalitaires où l’on oublie soudain, devant l’ampleur de la catastrophe, que l’on y torture, que l’on y exécute arbitrairement. Mais chut! Silence… on meurt!

Et ces images terribles côtoient dans nos journaux, sur Internet, à la télévision, celles des stars qui gravissent les marches du Palais des Festivals à Cannes. Là, c’est souvent le mauvais goût qui n’est pas soutenable, mais bon, on a droit à un peu de rêve dans ce monde de brutes. Un peu de glamour entre deux catastrophes, c’est pas mal, non? Dérision et dérisoire. Stupeur et tremblement. Quelle indécence que la nôtre! Mais chut! Silence… on tourne!

Et pourtant, frères et sœurs, il y a bien un autre silence. Celui du petit matin sur le Mont Sinaï. Quiconque gravit la montagne par les milliers de marches sculptées par les moines sait bien le poids de ce silence. Un silence parfois oppressant où l’homme se sent bien petit, au pied de ces escarpements rocheux qui se teintent de toutes les nuances d’ocre, au lever du soleil. C’est beau et c’est… divin!

C’est le silence de la nature qui retient presque son souffle pour que Dieu vienne y proclamer son nom: «Le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité.» Encore faut-il bien vouloir tendre l’oreille! Moïse l’a entendu et il s’est désolé de la dureté de la tête de son peuple, trop occupé à ses bruits de tous les jours et qui allait avoir tant de mal à accueillir ce Dieu!

Parce que pour accueillir Dieu, il faut se mettre dans un état de réception. Il faut faire silence. Faire taire ce qui pourrait créer des interférences et l’écouter. Il faut laisser tomber notre cinéma, frères et sœurs, laisser tomber le masque qui nous recouvre si bien (mais Dieu n’est pas dupe, lui qui sonde les cœurs et les reins!), laisser tomber le rôle dans lequel nous nous complaisons finalement. Il faut laisser la Palme d’Or… pour saisir d’autres palmes, celles de l’acclamation et, pourquoi pas, celle du martyre!

Cette réception n’est possible que dans la foi. Vous l’avez entendu, dans l’Évangile de ce jour: «Celui qui croit échappe au jugement, celui qui ne veut pas croire est déjà jugé». Terrible. La foi est une condition sine qua non. Ensuite, on peut écouter le Seigneur, se lancer sur le chemin difficile, mais ô combien exaltant, qu’il nous propose. Un chemin de perfection! Et il se révèle, un seul Dieu en trois personnes, Père, Fils et Saint-Esprit.

La Trinité! Un mystère si grand qui intrigue, dérange parfois et met au défi bien des catéchistes parce que finalement, les enfants, veulent savoir «pourquoi». Et parfois, leurs remarques, d’une fraîcheur dont l’enfance a le secret, viennent trouver des formules marquantes, tellement vraies, sous un certain rapport. Citons par exemple cette image prise par un enfant de CM1, rencontré lors d’une mission, la semaine dernière: «La Trinité, oh, c’est tout simple. C’est comme un trèfle. Une seule tige et trois feuilles!» (Évidemment, il n’y a qu’un adulte mal intentionné qui ira penser qu’il y a des trèfles à quatre feuilles… et ne me dites pas que certains d’entre-vous ici n’y ont pas pensé!).

Parce que la Trinité, c’est simple, tellement simple. Une communion d’amour qui vient faire de l’homme un dieu. Trois Personnes divines, souvent présentes ensemble dans l’Écriture, d’une façon cachée ou bien plus explicitement. C’est le cas notamment, à l’Annonciation, lorsque l’archange Gabriel annonce que le Fils de Dieu sera conçu par l’action de l’Esprit Saint, dans la puissance du Très-Haut. C’est le cas également lors de la mort de Jésus: le Fils remet son Esprit au Père. C’est le cas enfin, après la Résurrection, quand le Seigneur envoie les siens vers toutes les nations, en leur ordonnant de faire des disciples en les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Du début à la fin. La boucle est bouclée. La Trinité, c’est tellement simple…

Alors, frères et sœurs, entrons dans le silence et faisons monter cette prière vers le Seigneur:

«Ô Trinité, mon Dieu que j’adore! Faites de moi ce qu’il vous plaira. Embrasez-moi de votre feu. Faites du pauvre homme que je suis un instrument de votre Sainte Volonté.

Ô Trinité, mon Dieu que j’adore! Comme pour Notre-Dame, la Mère du Bel Amour, faites que l’Esprit-Saint vienne sur moi, que la puissance du Très-Haut me couvre de son ombre. Alors je pourrai donner le Fils, le Prince de la Vie, à ce monde qui se meurt, pour votre plus grande gloire!

Ô Trinité, mon Dieu que j’adore!…» Amen.