Homélie du 16 décembre 2012 - 3e DA

Laisser place à la joie de Dieu

par

fr. Timothée Lagabrielle

Il y a des dimanches où la liturgie de la messe semble faite de bric et de broc, des dimanches où les différentes lectures et prières nous semblent rassemblées par hasard, sans liens entre elles, comme un patchwork. Et puis, il y a des dimanches, au contraire, où toute la liturgie semble tourner autour d’un thème commun. Aujourd’hui nous sommes dans ce cas-là: ce 3ème dimanche de l’Avent, c’est le dimanche Gaudete, le dimanche de la joie et nous retrouvons cette joie un peu partout: dans les prières, dans les lectures, dans le psaume,? Aujourd’hui, nous sommes invités à (re)découvrir différents aspects de la joie chrétienne.

La première chose que nous pouvons remarquer c’est que, dans les lectures d’aujourd’hui, cette joie est toujours liée à la venue du Seigneur. Par exemple, dans la première lecture, «Pousse des cris de joie, fille de Sion! (?) Le Seigneur est en toi». S. Paul aussi dit «Soyez dans la joie!» parce que le Seigneur est proche. C’est parce que le Seigneur est là (ou parce qu’il va arriver) que le prophète et S. Paul se réjouissent. Un peu comme nous nous réjouissons de la venue d’un ami, c’est parce que nous aimons Dieu que nous sommes joyeux de sa venue.

Mais il y a encore un peu plus que cela: leur joie n’est pas seulement une joie humaine causée par la présence de Dieu, mais leur joie est une joie divine. Dans la première lecture, Sophonie nous dit: «Dieu aura en toi sa joie». C’est-à-dire que la joie qui est en Dieu, la joie qui est au cœur de la Trinité en déborde jusque dans notre cœur. On éprouve la joie que Dieu « éprouve ».

On comprend alors que vivre une telle joie n’est pas anodin et qu’il va falloir certaines conditions pour qu’une chose aussi extraordinaire puisse se faire. Et c’est justement de cela que traite l’évangile d’aujourd’hui.

Au milieu de ces textes si joyeux, cet évangile semble dissonant. Ce n’est pas la joie, mais plutôt une certaine angoisse qui y domine, avec ces paroles terribles de Jean-Baptiste et cette demande inquiète des foules «Que devons-nous faire?» que nous avons entendue trois fois. Et pourtant, Jean-Baptiste nous apprend bien comment nous disposer à recevoir la joie divine.

Quand les gens demandent à Jean-Baptiste ce qu’il faut faire pour se préparer à recevoir le Seigneur, par trois fois il répond de ne pas chercher à avoir plus que le nécessaire, de ne pas chercher sa joie dans la puissance ou la richesse. Notre cœur, nous le savons bien, est limité et ces joies-là peuvent le saturer ou bien faire comme une carapace, un blindage qui va empêcher à la joie du Seigneur de prendre place en nous. Au contraire, si on se contente du nécessaire, on laisse dans notre cœur une place pour que Dieu vienne y déverser sa joie.

Cette joie que Dieu vient déposer en nous est semblable au petit enfant Jésus qui sera déposé dans la crèche dans quelques jours. C’est une joie qui est déjà complète, entière, mais qui est aussi appelé à grandir peu à peu, jour après jour. Si on la laisse grandir elle va prendre de plus en plus d’importance et on constate alors quelque chose d’étrange: contrairement aux joies humaines qui se concurrencent les unes les autres, la joie divine n’empêche pas le développement des autres joies. Au contraire elle leur donne d’exister en notre cœur avec plus de valeur.

La joie de Dieu ne vient pas faire cesser ou prendre la place de nos joies humaines, mais elle vient leur donner une autre couleur et les faire grandir. Parce que quand nous vivons en nous la joie divine, nous devenons sensibles à ce qui fait la joie de Dieu.

Prenons un exemple. Si à l’approche de Noël, toute ma joie se résume à avoir des cadeaux (pour les enfants) ou uniquement à la joie de réunir la famille, quelle place Dieu va-t-il trouver dans mon cœur? Comment va-t-il pouvoir y entrer pour y déposer sa joie? À l’inverse, si je laisse d’abord la joie de Dieu entrer dans mon cœur, que va-t-il se passer? Quand je reçois la joie de Dieu, je n’ai pas moins de joie à retrouver la famille, mais au contraire j’ai des motifs supplémentaires de me réjouir. Je suis heureux de leur présence mais aussi de ce que Dieu les aime et de ce que Dieu aime cette amitié. Éventuellement je vais partager avec eux la joie divine, par exemple en priant ensemble. Mais même s’il n’y a pas cela, en tout cas, ma joie va se purifier et prendre une coloration divine.

C’est bien à cette joie divine que nous sommes appelés. Ces quelques jours d’Avent qu’il nous reste sont le moment béni pour faire grandir en nous l’attente de recevoir Dieu venant en nous, pour lui laisser une place dans notre cœur pour qu’il puisse y répandre vraiment toute sa joie à Noël et pour que toutes les joies des jours de fêtes soient vécues dans la joie de Dieu, en référence avec cette joie de la naissance du Sauveur.