Homélie du 17 mars 2024 - 5e Dimanche du Carême

Lazare s’est endormi !

par

fr. Édouard Divry

Lectures de l’année A (pour catéchumènes)

« Lazare s’est endormi. » Au-delà de l’euphémisme, Jésus fait comprendre que « Lazare est mort ! » Sommes-nous vivants nous-mêmes ? Et la France, fille aînée de l’Église ? Décédé en 2008, Alexandre Soljenitsyne s’exprimait ainsi sur nos pays européens : « Vous les Européens, êtes dans une éclipse de l’intelligence. Vous allez souffrir. Le gouffre est profond. Vous êtes malades. Vous avez la maladie du vide. […] Toutes vos élites ont perdu le sens des valeurs supérieures. » Certains ont trouvé ces affirmations exagérées à l’époque, mais aujourd’hui alors qu’on efface la Croix des Invalides de Paris sur l’affiche officielle des Jeux Olympiques, qu’on constitutionnalise l’avortement, qu’on propose de restreindre la liberté privée d’expression, qu’on envisage de supprimer la clause de conscience et bientôt de légiférer sur l’euthanasie, qu’on s’attaque de nouveau à l’école catholique et au secret de la confession, ces paroles du grand penseur russe résonnent avec une rare acuité.

Que faire ? Il ne s’agit pas seulement de déplorer les choses et d’assentir à la véracité des paroles du prophète russe. Il nous faut porter la Croix visiblement partout, et d’abord dans nos cœurs en contemplant et en adhérant à Celui qui nous manifeste, cloué à celle-ci, son Amour infini en nous sauvant, en nous délivrant de la peine due à nos péchés.

Pourquoi ne pas reprendre, pour demeurer actif dans la lutte contre le mal, la prière de Marcel Van, jeune rédemptoriste visionnaire, mort dans un camp de concentration communiste au Nord Vietnam en 1959, un appel à prier pour les nouveaux avortés en France alors qu’ils sont plus de 5 000 000 (estimation) depuis la loi Veil.

« Seigneur Jésus, je t’offre les enfants qui n’ont pas encore été baptisés. Je veux croire et t’aimer à leur place selon l’intention de la Sainte Église, ma Mère. Daigne les reconnaître comme véritables enfants de la Sainte Église. Et s’ils viennent à mourir avant l’usage de la raison, conduis-les au Ciel avec toi, afin qu’en union avec tous les saints [et le Serviteur de Dieu Marcel Van], ils puissent t’aimer éternellement, selon ta promesse. »

Cette prière ravit le cœur de Jésus que l’assemblée chrétienne désire tout particulièrement consoler, surtout après le désastre spirituel de ces dernières semaines :
– où l’apparent bien-être temporel exige de supplanter la primauté traditionnelle des âmes sur les corps (cf. Mt 10, 28),
– où le pseudo-confort compassionnel tente de nous émouvoir avec le recours au mensonge par tous les moyens disponibles,
– où la volonté unilatérale de certaines [femmes] de s’appartenir corporellement dépouille l’innocent du droit à la vie,
– où la manipulation médiatique et politique détruit petit à petit le consensus de toute une nation en faveur de la sauvegarde absolue de l’enfant sans défense et de celui qui est en fin de vie,
– où des revendications victimaires veulent l’emporter sur les devoirs et les droits ancestraux,
– où le pseudo-progrès sociétal cherche à remplacer l’Alliance du Sinaï,
– où les hommes de bonne volonté se taisent devant la croissance du mal et la dépravation morale,
– où la culture de la mort cherche à supplanter la culture de la vie.

En contraste, chaque saint au Ciel entend la voix du Père proclamer à l’intention de Jésus : « Je l’ai glorifié et de nouveau je le glorifierai » (Jn 12, 28). Cette voix réservée à Jésus avant sa Passion devient celle accordée pareillement aux saints glorifiés sur nos autels car ils sont « fils dans le Fils » (E. Mersch ; GS, n° 22). Devenus « participants du Christ » (He 3, 14) et « participants de l’Esprit » (He 6, 4), ils ont mérité de gravir la sainte montagne au sommet de laquelle est érigée « la Jérusalem céleste » (cf. He 12, 22) où le Christ ressuscité les attend.

« L’espérance ne déçoit pas » (Rm 5, 5) et en rien des événements si contraires à ce que nous avons de plus cher ne doit la faire reculer ou décliner. Alors que Jésus voudrait que « tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4) Jésus n’est « cause de salut [qu’]à ceux qui lui obéissent » (He 5, 9). Cette opportunité est laissée au cœur des saints qui sacrifient tout pour obéir au Christ, « le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14, 6). Nous n’avons rien de plus profond à proposer.

Au jour d’une cérémonie d’obsèques, il nous est bon de préférer entre tous les textes évangéliques celui de saint Jean qui dit la vérité qu’il a reçue de son Père : « L’heure vient — et c’est maintenant — où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l’auront entendue vivront. Comme le Père en effet a la vie en lui-même, de même a-t-il donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même et il lui a donné pouvoir d’exercer le jugement parce qu’il est Fils d’homme. N’en soyez pas étonnés, car elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront : ceux qui auront fait le bien, pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5, 25-29).

« Lazare est mort. » Mais Jésus peut lui redonner la vie comme l’affirme l’évangile de ce jour. La France peut revivre par nos prières, nos larmes unies à celles de Jésus (cf. Jn 11, 35 ; Lc 19, 41 ; He 5, 7) et nos sacrifices unis au sien. Rien n’est jamais perdu. Le petit reste fidèle finit toujours par triompher par la grâce du Saint-Esprit. Amen.