Homélie du 23 juillet 2023 - 16e Dimanche du T. O.

Le combat du bien et du mal

par

fr. Loïc-Marie Le Bot

Il ne nous est pas possible d’échapper au bien et au mal ! Il en va ici comme pour l’attraction terrestre. Quand bien même nous voudrions nous en affranchir, elle se rappelle inévitablement à nous. Le bien et le mal sont des réalités que nous éprouvons chaque jour, on pourrait même dire à chaque minute. Elles ne sont pas des réalités abstraites car elles nous touchent chaque jour. Le mal se manifeste des guerres, des famines, des tremblements de terre qui nous affectent de plus ou moins loin. Ce sont aussi des choses plus proches : des relations familiales compliquées, des problèmes de maladie qui touchent nos proches. Et puis notre chair elle-même peut être touchée par le mal, par la maladie, par un accident. Tout cela, c’est du mal subi. Nous le connaissons, mais aussi reconnaissons-le : il y a le mal que nous faisons, celui que nous commettons par méchanceté, par vengeance, par paresse.

Il y a aussi le bien. Il nous touche de diverses manières : de bonnes nouvelles de la société, de notre communauté, de notre famille, une guérison, un succès dans le travail, une amitié qui naît, un amour qui se couronne dans le mariage et dans la famille, une réussite scolaire. Tout cela nous fait du bien. Et puis, il y a encore le bien que nous faisons volontairement pour les autres et qui nous fait aussi du bien. Si nous regardons leurs effets, nous voyons que le mal nous recroqueville, nous fait souffrir engendrant en nous tristesse et rancœur. Il nous donne l’impression de vivre moins alors que le bien nous donne ce sentiment de vivre plus, cette capacité de vivre plus, de se sentir en plénitude, bref de ressentir le bonheur

Il y a le bien et le mal. On aimerait pouvoir vivre sous l’empire du bien. Malheureusement l’un et l’autre sont mêlés dans nos vies. Le bien et le mal sont tissés l’un avec l’autre. Il est bien rare que nous ayons une journée pleinement ensoleillée, il y a toujours un petit quelque chose qui va clocher. De même quand nous semblons submergés par le malheur, il y a aussi des éclats de bonté et de lumière qui peuvent nous toucher.

Devant ce constat, résonne maintenant l’enseignement de Jésus qui veut nous révéler « les choses cachées depuis la fondation du monde » (Mt 13, 35), cette énigme à nos yeux du bien et du mal. Quel regard pouvons-nous porter sur ces réalités ? Jésus nous délivre aujourd’hui trois enseignements dans la parabole du bon grain et de l’ivraie.

D’abord, le bien est premier parce qu’il vient de Dieu. Dieu le veut pour nous. De la création, Dieu vit que « cela était bon ». Nous sommes créés pour le bien. Le bien est premier et vient de Dieu, et c’est pour cela qu’il nous correspond, qu’il nous entraîne, qu’il nous permet de vivre mieux. Et si le bien est premier, il sera aussi dernier. Non pas parce qu’il faut une happy end, mais parce que le bien est divin et il vaincra le mal.

Ensuite, il y a aussi le mal. Le mal ne peut être que second. Vous avez entendu, il vient de ce personnage qui s’appelle le démon. Le Satan n’est pas un mythe, il est une personne angélique mauvaise. Il peut faire le mal mais il est second. Il sème de l’ivraie dans le champ. Le bon grain est riche de potentialités, on peut en faire du pain. On peut le trouver beau. On peut le distribuer. L’ivraie, quant à elle, ne produit rien, elle ne produit que pour elle-même. De plus, elle empêche le blé de pousser. Voilà l’effet du mal, empêcher le bien de se déployer. Alors, regardons la traduction française de cette mauvaise herbe « l’ivraie ». Elle se rapporte au mot latin ebrietas, ivresse. En effet, il paraît que quand on mâchonne de l’ivraie on est comme dans l’ivresse. L’ivresse, c’est la déraison. On n’arrive plus à maîtriser sa pensée et sa vie. C’est aussi cela le mal. Le mot grec employé par l’Évangéliste est « zizanie » et on peut y voir aussi un effet du mal. Le mal, c’est la discorde, la jalousie, les rivalités, dans notre cœur et dans la société. Voilà l’origine du mal : déraison et discorde. Mais Jésus nous avertit que ce mal n’aura pas le dernier mot.

C’est le troisième enseignement. Si l’ivraie et le bon grain croissent ensemble c’est que Dieu veut qu’il en soit ainsi. Serait-ce par sadisme ? Serait-ce par fatalisme ? Serait-ce par impuissance ? Non, si le bon grain et l’ivraie croissent ensemble, c’est en vue d’un bien plus grand. C’est là qu’il appartient aux chrétiens de scruter ce que le Seigneur veut nous dire. Dieu a choisi de s’incarner pour mener le combat du bien contre le mal. Jésus le Verbe incarné vient vivre au milieu de nous cette réalité du bien et du mal. Il n’a jamais commis le mal mais il en a subi les effets : il a ressenti la soif et la faim, il a pleuré à la mort de ses amis. Mais, plus encore, il a pris sur lui pour le détruire le mal que nous commettons. Il n’a pas pris un autre chemin que celui de la Croix pour nous libérer du mal. « Insulté, il ne rendit pas l’insulte, maltraité il ne fit pas de menace, s’en remettant à celui qui juge avec justice » (1 P 2, 23). Par sa Passion, il nous indiquait la voie pour sortir du mal : le combattre avec les armes du bien. On ne vainc pas le mal par le mal mais par le bien. Sa mort sur la croix est couronnée par la Résurrection. Ainsi, nous avons l’espérance de voir le plan de Dieu s’accomplir pour le monde et s’accomplir aussi pour nous. Personne ne peut échapper au bien et au mal ici-bas. Ils sont là l’un et l’autre présents dans nos vies, ils s’y affrontent. Si nous voulons transfigurer ce combat, prenons le combat du Christ. Accueillons-le dans notre vie, Lui qui est mort et ressuscité et qui nous ouvre ainsi le chemin de la vie.