Homélie du 16 octobre 2022 - 29e Dimanche du T. O.

Persévérer dans la prière

par

fr. Ghislain-Marie Grange

Le bon Dieu n’est pas le Père Noël. Pour obtenir quelque chose du Père Noël, il suffirait, paraît-il, de lui écrire une lettre pour obtenir quelque chose le 25 décembre. Quand j’étais à l’école primaire, il y avait même un numéro vert si l’on ne savait pas écrire. Aujourd’hui, le Père Noël est certainement sur les réseaux sociaux.
La prière, elle, n’est pas si simple. Pourquoi Jésus raconte-t-il la parabole de la veuve importune ? Pour expliquer aux disciples, nous dit l’Évangile, qu’il faut prier sans se décourager. Moïse également, dans la première lecture, fait l’expérience de la nécessité de persévérer dans la prière. La victoire contre les Amalécites demande un effort physiquea: Moïse doit tenir les bras en croix pendant tout le combat. Alors que pour prendre la ville de Jéricho, il avait suffi de faire le tour de la ville en jouant de la trompette chaque jour pendant six jours. La victoire contre les Amalécites est au contraire un effort de longue haleine.

Mais pourquoi faudrait-il insister auprès de Dieu ? Plus tôt dans l’Évangile, dans la parabole de l’ami importun, saint Luc avait souligné le fait que la prière du juste était toujours exaucée par Dieu, et immédiatement. « Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez » (Lc 11, 9). Ici, il faudrait ajouter des mots : « Demandez longtemps et l’on vous donnera enfin ; cherchez longtemps et vous finirez par trouver. »
Dieu exauce la prière mais cela ne signifie pas que tout soit automatique. Jésus lui-même, dont la volonté était totalement accordée à celle de son Père, a passé de longues heures nocturnes à prier, en particulier avant les grands événements de sa vie publique. Il n’y a pas de raison que nous ayons une meilleure rentabilité, que nous gagnions plus en priant moins.

La règle de saint Benoît parle de la prière liturgique comme d’une œuvre : c’est l’« œuvre de Dieu » à laquelle rien ne doit être préféré (§ 200). Cette œuvre est une œuvre de collaboration à l’œuvre de Dieu dans le monde. Les communautés contemplatives nous rappellent, comme des phares sur une côte balayée par la tempête, que cette tâche est la plus essentielle à la santé spirituelle du monde.
Lorsque nous faisons quelque chose de bien, nous l’accomplissons selon notre propre vision des choses, avec nos propres moyens. Le charpentier fabrique des meubles en se servant de son art et de ses outils ; l’agriculteur produit des céréales selon les méthodes qu’on lui a enseignées.
Mais lorsque nous prions, nous agissons selon la volonté divine avec les moyens de Dieu. Nous pouvons bien sûr exprimer à Dieu nos besoins, nous pouvons lui parler comme un enfant parle à son père. Mais, en même temps, nous demandons toujours que s’accomplisse la volonté de Dieu. Et cette volonté sera toujours ce qu’il y a de meilleur pour nous. La prière est donc sans doute l’œuvre la plus rentable, parce qu’elle se situe au niveau de Dieu.
En particulier, la prière nous mène vers l’accomplissement de toutes choses, vers la seconde venue du Christ dans la gloire. Le contexte de la parabole que nous avons entendue est celui du retour du Christ. Elle vient en conclusion du discours apocalyptique de Jésus et la parabole se termine ainsi : « Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » (Lc 18, 8).
La prière ne nous aide donc pas seulement à vivre le présent, mais également à vivre le futur. Alors que les médias se délectent à nous faire miroiter les catastrophes qui nous menacent, des grèves de transport à la guerre nucléaire, l’Écriture nous prépare à notre véritable fin, la rencontre avec le Christ. Que ce soit la rencontre personnelle avec Dieu à la fin de notre vie ou celle du monde entier à la fin des temps.
L’élan persévérant de la prière nous met peu à peu dans cette orientation. Un peu comme le fer qui n’est pas aimanté vers le pôle Nord de manière naturelle mais qui doit peu à peu l’acquérir à l’aide d’un aimant. L’espérance du retour du Christ s’acquiert par la prière qui nous tourne vers Dieu.
Et en particulier par l’Eucharistie, qui nous met tout spécialement dans cette orientation eschatologique. Elle est un avant-goût de la liturgie céleste vers laquelle nous nous dirigeons ; elle est à la fois attente et anticipation de la venue définitive de Dieu. Comme le dit saint Paul, « chaque fois que nous mangeons ce pain et que nous buvons cette coupe, nous annonçons la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26).