« Réjouis-toi comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » Jamais dans l’histoire d’Israël, jamais dans l’histoire du monde, un ange n’avait annoncé une telle joie. Réjouis-toi Marie, car en ta chair, le Verbe se fait chair aujourd’hui. Réjouis-toi Marie, car en ton corps aujourd’hui grandit le corps de Dieu. Réjouis-toi comblée de grâce, il est avec toi, il est en toi, le Seigneur qui t’a créée.
Il remplit la Vierge d’une joie unique, la joie de l’espérance du salut. Cette joie surpasse celle des patriarches et des prophètes : ils ont parlé avec des anges, ils ont vu Dieu dans la colonne de feu, ils l’ont entendu sur la montagne.
Mais celui qui aujourd’hui vient en Marie n’est pas qu’un prophète… Il n’est pas qu’un ange, il est Dieu, né de Dieu ! Il vient laver la faute contre laquelle le sang des boucs ne pouvait rien, il s’anéantit lui-même dans ce corps qui grandit en toi, Marie. Jésus, le fruit de tes entrailles, l’image du Dieu invisible, vient restaurer l’image et la ressemblance de Dieu qu’Adam avait perdu. Il vient visiter notre humanité prisonnière du péché et de la mort. Il vient prendre sur lui nos fautes, porter lui-même nos maladies, nous donner l’espérance de la vie éternelle.
Cette joie de l’espérance nous rejoint aujourd’hui de façon mystérieuse. Toute l’Église est en fête, en ce jour de l’Annonciation. Dans notre église de Rangueil, tous les cierges sont allumés, la fumée de l’encens monte vers le ciel, le Gloria s’est fait entendre… Tout y est, mais… Mais il manque l’essentiel… Notre église est vide. Où est-elle donc cette joie de l’Église, il n’y a personne, tout le monde est enfermé dans le silence de sa maison. Où est-elle donc cette fête, alors que chaque convive la vit tout seul, isolé dans sa chambre ?
Regardons l’Évangile. Voyons comment cette joie de l’espérance fut d’abord la joie d’une personne, toute seule, isolée dans sa chambre. La joie d’une toute jeune fille, la joie de Marie.
La venue de Dieu dans le monde pouvait-elle se faire de façon plus discrète ? Jamais jusqu’alors, ni dans la colonne de feu, ni au sommet du Sinaï, ni même au jardin du Paradis, jamais Dieu ne s’était fait aussi proche de l’homme.
Pour s’incarner, il aurait pu choisir le Temple de la ville sainte, devant une foule de fidèles rassemblés pour l’occasion, mais non… Dieu choisit un village. À l’intérieur de ce village, une maison ; à l’intérieur de cette maison, une jeune fille, et à l’intérieur de cette jeune fille, dans son sein, dans ses entrailles, Dieu se fait homme, le Verbe se fait chair.
Ce jour-là, il fait de Marie la première Église, la véritable demeure de Dieu parmi les hommes. Le fiat de Marie, fiat qui synthétise toute la foi d’Israël, fait d’elle le nouvel Israël en personne, l’Église en personne.
Le jour de l’Annonciation, la joie de l’Église, c’est donc la joie de Marie. C’est la joie d’une âme visitée par Dieu, qui met sa foi en sa parole, son espérance en sa promesse et sa charité à son service pour donner au monde le Verbe de Vie.
Ainsi donc, isolés et seuls comme nous le sommes aujourd’hui, la joie de l’espérance de Marie peut devenir notre joie, et notre joie peut à son tour devenir la joie de l’Église !
Ensemble, chacun de nous, là où nous sommes, unis par la grâce, nous formons l’Église. Séparés les uns des autres en nos corps, nous croyons de tout notre cœur que là où est la grâce, là est l’Église. Là où sont la foi, l’espérance et la charité, là est l’Église.
Dieu n’abandonne pas son Église. Aujourd’hui, Dieu se fait proche de nous, comme il s’est fait proche de Marie. Aujourd’hui, Dieu fait de chacun de nous sa demeure, comme il a rempli le cœur de Marie, seule dans sa chambre, isolée dans sa maison.
« Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, il gardera ma parole, mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure. »
Comme Marie, gardons sa parole en notre cœur, cette parole qui, cette année, nous visite de façon si mystérieuse. Comme Marie, soyons d’humbles serviteurs et d’humbles servantes du Seigneur pour faire grandir en nous cette parole et l’annoncer au monde.
Juste après la visite de l’ange, Marie se met en route rapidement pour porter la nouvelle à sa cousine. Après avoir imité la foi de Marie qui croit en la parole de l’ange, après avoir imité la joie de son espérance, il nous faut imiter la charité de Marie qui s’empresse de transmettre aux autres la parole qu’elle a reçue en elle. Pas si simple, me direz-vous, quand on n’a pas le droit de sortir de chez soi…
Et pourtant, l’Église de France nous propose aujourd’hui une démarche toute simple. Ce soir, à 19h30, nos évêques nous invitent à porter la lumière de l’Évangile aussi loin que nous en avons le droit, à nos fenêtres, en allumant des bougies pour annoncer à nos voisins cette lumière qui vient nous visiter au cœur de nos ténèbres.
Cette lumière, discrète, fera grand bruit. Au même moment, toutes nos églises, bien que vides, se mettront à chanter. Elles sonneront de toutes leurs cloches pour chanter la joie de l’espérance du salut. Toute la France entendra l’écho de cette sonnerie pour espérer, pour annoncer aux hommes la joie de l’espérance. Personne n’en comprendra le sens, dira l’avocat du diable.
À nous de donner du sens à cette sonnerie, à nous de prendre notre téléphone pour porter la nouvelle à cet ami, à ce cousin, à ce petit-fils loin de l’Église, qui ne saura pas, ce soir, pourquoi la voisine d’en face allume des chandelles ou pourquoi les cloches du village sonnent aujourd’hui plutôt qu’un autre jour. À nous, comme Marie, de transmettre la joie de l’espérance.