Homélie du 9 septembre 2017 - À l'occasion des professions solennelles des frères Réginald, Jean-Thomas, Maxime et Marie-Philippe

Une certaine admiration

par

fr. Loïc-Marie Le Bot

Chers frères Réginald, Jean-Thomas, Maxime et Marie-Philippe,
Au jour de votre profession solennelle, nous sommes enclins à vous admirer. En effet, quoi de plus impressionnant que de participer à la cérémonie d’aujourd’hui ? Nous allons voir de jeunes hommes s’engageant publiquement jusqu’à la mort à observer les conseils évangéliques dans le cadre d’une vie commune, tout cela en vue de suivre et de s’attacher définitivement au Christ ! Voilà un choix qui suscite chez ceux qui sont là une grande admiration. Vos familles, vos amis et mêmes vos frères sont, autour de vous, rassemblés dans une même émotion. Tant de chemins divers pouvaient vous être proposés par la vie, ces chemins vous les avez vus, sinon déjà goûtés, et voici que vous ne les avez pas choisis, contrairement à ce que font la plupart des hommes de votre âge. La difficulté de ce choix, sa rareté, et sa radicalité même, en font aux yeux du monde un sujet d’étonnement, et aux yeux des chrétiens un sujet d’admiration. Même aux yeux de vos frères. Les plus jeunes vous envient, en ce jour, de prononcer enfin vos vœux solennels ; je gage qu’ils aimeraient être à votre place ! Et il n’est pas jusqu’aux plus anciens – qui savent pourtant la dureté du chemin et les incroyables consolations qu’il vous réserve – qui ne vous admirent et ne vous envient pour votre audace (sinon pour votre jeunesse). La liturgie vous met en honneur, sans parler des festivités qui suivront. Bref, chers frères, tout concourt à vous admirer en ce jour, c’est donc bien qu’il faut se méfier quelque peu !

Vous vous engagez aujourd’hui et prononçant votre profession jusqu’à la mort, vous êtes consacrés par Dieu à sa suite, à son service et à sa louange. Par votre profession, vous répondez à un appel que le Seigneur vous adresse, et lui accueille votre réponse définitive, en vous consacrant. Vous lui appartenez à partir de maintenant à un titre spécial. La profession solennelle est un engagement qui vous lie au Seigneur. Elle ne vous députe pas à une mission particulière, mais vous dispose d’une manière nouvelle dans votre relation au Seigneur, celle d’une sainteté toujours plus grande à acquérir.

Par conséquent, d’une certaine manière, Dieu s’engage aussi envers vous. Il reçoit votre propos et s’engage à vous être fidèle et à vous faire grandir en sainteté. C’est cet engagement divin qui vous permet de vous engager jusqu’à la mort. Sans cette promesse d’un secours de la grâce, il ne serait pas possible de s’engager. Sachant que Dieu ne peut pas vous faire défaut, quoiqu’il arrive dans votre vie comme dans la vie du monde ou de l’Église, il vous restera fidèle. Sa main secourable vous sera toujours tendue. C’est dire qu’il faut aussi admirer Dieu pour son amour et sa fidélité manifestés aujourd’hui. Vous voilà consacrés pour toujours dans une manière de vivre avec le Seigneur, le mettant au-dessus de tout, comme dans une manière de vivre avec vos frères vous en remettant à eux pour toute votre vie dominicaine. Elle vous dispose à faire croître en vous la sainteté, à vous en rapprocher par une voie escarpée mais sûre. Autrement dit, vous prononcez ces belles paroles de votre profession et le Seigneur vous consacre par sa grâce pour être à lui dans le dynamisme de l’appel de votre baptême.

Vous êtes choisis par le Christ pour être frère prêcheur. À partir de ce jour, vous êtes définitivement membres de l’Ordre des prêcheurs, même si votre mission apostolique doit attendre encore la fin de vos études institutionnelles – autre jour béni – pour pouvoir se déployer pleinement. Concrètement, vous choisissez une voie de sainteté en exprimant la volonté de vivre pour toujours sous l’empire de la Règle de saint Augustin et les Constitutions des frères prêcheurs ; en réponse l’Ordre vous reçoit en son sein pour toujours.

C’est dire que dans votre démarche d’aujourd’hui, interviennent aussi, et il serait étonnant qu’il en soit autrement, le Seigneur et l’Ordre qui représente l’Église du Christ.

Car la fidélité divine n’est pas seule pour vous soutenir, la communauté de vos frères s’engage aussi avec vous. L’Ordre saura aussi se montrer fidèle à vos côtés. Certes, son secours n’a pas la force et l’indéfectibilité du secours de la grâce, mais il est rien moins que nécessaire. En vous éloignant de vos frères, vous feriez fausse route. L’Ordre s’engage aussi avec vous aujourd’hui. Il s’engage à vous donner les moyens de vivre et de vous faire grandir selon votre vocation. Il attend aussi votre pleine participation à sa vie. Autant que vous aujourd’hui, il faut admirer son audace. Il ne fait pas que vous recevoir en se frottant les mains comme devant une acquisition profitable et rentable. Les frères vous reçoivent dans la joie de voir que la Parole du Seigneur continuera à être annoncée, que nos couvents vous verront les rejoindre et les porter.

Alors, n’hésitons pas à rendre grâce à Dieu de vous convier à cette sainte forme de vie, celle des apôtres, vécue à la manière de saint Dominique. Soyons aussi dans l’action de grâce pour vous, chers frères Réginald, Jean-Thomas, Maxime et Marie-Philippe, au moment de prononcer ces mots brûlants de votre profession solennelle : « jusqu’à la mort », pour entrer définitivement dans la voie de sainteté du Christ. Aussi, sans tomber dans la glorification, il nous reste à admettre que votre profession provoque notre action de grâce envers le Christ et son Église, comme notre reconnaissance à notre Père saint Dominique, et que, tout bien pesé, votre profession suscite chez nous une sainte et fraternelle admiration.

Amen !