Homélie du 30 novembre 2008 - 1e DA
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Frères et sœurs,

Nous sommes peut-être entrés un peu blasés dans cette église aujourd’hui: «Oui, on sait, c’est l’Avent. Oui, dans un mois c’est Noël – le gynécologue de Nazareth est formel, c’est un garçon et il devrait naître le 24 décembre au soir, la grossesse se passe bien mais il faudrait éviter tout voyage inconsidéré -. Oui, on va encore nous dire qu’il faut veiller. On sait, on n’est pas sourd!»
A force de le savoir, frères et sœurs. C’est notre cœur qui devient sourd et, fatalement, on s’endort. Oh, vous ne dormez pas encore – l’homélie vient tout juste de commencer! – et la fraîcheur discrète de notre église vous aidera à rester attentifs. Il va falloir nous réveiller vraiment et quitter la douce et chaude couette de nos certitudes. Parce que, avouons-le, nous aimons, au sens propre et au sens figuré, rester sous la couette. Pour la majorité d’entre nous, il est bien plus facile de paresser au chaud que d’affronter les frimas. Et nous sommes devenus singulièrement frileux. Heureusement, quand la mollesse semble l’emporter, nous reviennent les conseils éclairés de nos aînés.

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir une grand-mère aragonaise. Une femme forte, au franc-parler parfois terrible, qui rêvait de donner un de ses fils à l’Église – comme toutes les mères chrétiennes, je suppose – et qui chantait ces cantiques qui fondent la foi de tout un peuple. Parmi ces cantiques, il y en avait un qui exaltait Saint Dominique et la prière du Rosaire. Un des couplets disait – c’est une traduction libre mais l’alexandrin ne vous aura pas échappé! -: «C’est le démon qui à l’oreille te le dit: Oublie la messe et le Rosaire et reste au lit!»
Voilà, frères et sœurs, le conseil du Prince de ce monde: «dormez!» Il est le roi de l’hypnose: «Vous dormez? vos paupières sont lourdes? dormez!» Et finalement, cela ne nous gêne pas trop de fermer les yeux sur tant d’horreurs. Il y a bien des veilleurs qui lancent un cri, dans la nuit de nos sociétés qui ne respectent plus la vie. Mais qui les entend?

Prenons un exemple: connaissez-vous M. Tabaré Vázquez? Non? C’est un veilleur, un vrai, mais vous ne risquez pas de le connaître car nos media veillent aussi, à leur façon. Il a prononcé un discours il y a deux semaines. Prenons-en quelques extraits: «Il est admis par tous que l’avortement est un mal social qu’il faut éviter? La législation ne peut méconnaître la réalité de l’existence de la vie humaine lors de la gestation, telle que le révèle la science?. Des découvertes révolutionnaires montrent l’évidence qu’à partir de la conception il y a une vie humaine nouvelle, un nouvel être? Le vrai degré de civilisation se mesure à la capacité qu’a une société de protéger ceux qui en ont le plus besoin. C’est pour cela que l’on doit protéger les plus faibles? Il est préférable de chercher une solution qui repose sur la solidarité, qui permette de promouvoir la femme et l’enfant, en lui donnant la liberté de pouvoir faire d’autres choix et, ainsi, de sauver l’une et l’autre.» Mais qui est l’auteur de ce texte si politiquement incorrect? C’est le Président de la République de l’Uruguay qui vient de mettre son veto à la loi de dépénalisation de l’avortement dans son pays. Chapeau!
Mais «dormez! vos paupières sont lourdes? dormez!» Le Prince de ce monde a réussi son pari: nos paupières sont closes et nous nous sommes laissé anesthésier, l’air de rien.

Bien sûr, il y a les insomniaques qu’il n’a pas encore réussi à endormir. Ceux-là, il les berce de douces illusions, dans la chaleur douillette de la couette. Et il leur chantonne le refrain qu’ils aiment entendre. Mais si, vous savez bien: «Louis-Marie – je prends ce prénom au hasard, vous pouvez en mettre un autre, le vôtre par exemple -. Louis-Marie, tu es vraiment extraordinaire. Bien sûr, tu n’es pas parfait, mais qui l’est d’ailleurs? Tu as de telles qualités que tu en deviendrais presque indispensable. Si, si, je t’assure, indispensable. Que deviendrait TA chorale sans toi? – Là aussi, remplacez «chorale» par ce que vous voudrez – et d’ailleurs LA chorale se porte très bien sans moi – vous en avez la preuve ce matin! – Allons, pas de fausse modestie, tu es indispensable et ceux qui t’entourent n’ont pas su discerner ta valeur». Et nous ronronnons d’aise, comme un gros chat qui se laisse caresser, les paupières closes, devant les flammes de l’âtre. Mais peut-être ne sont-ce pas que les flammes de la cheminée!

Ouvrons les yeux, frères et sœurs, avant qu’il ne soit trop tard! Veillons!
Veillons sur nous! Nous avons entendu ces paroles terribles du prophète Isaïe: Nous avons irrité le Seigneur par notre obstination dans le péché, nous sommes desséchés comme des feuilles mortes Jésus pleure sur Jérusalem qui n’a pas voulu l’accueillir. Que voulez-vous faire de plus? Avons-nous le cœur desséché à ce point?
Veillons sur les autres! Saint Dominique dans sa prière nocturne criait vers le Seigneur: «Que vont devenir les pécheurs?» Vous est-il arrivé de vous réveiller en pleine nuit et là, de prendre un chapelet, de parler au Seigneur, pour ceux qui crient leur souffrance dans les hôpitaux, pour ceux qui à ce moment-là meurent, vendent leur corps ou bien achètent celui des autres? Que vont devenir les pécheurs? Qu’allons-nous devenir, Seigneur, nous sommes tous l’ouvrage des tes mains!

Veillons, frères et sœurs! La vie éternelle est à ce prix! Nous avons assez perdu de temps! Amen.