Homélie du 28 juillet 2024 - 17e dimanche du T.O.

Du Pain et des Jeux

par

fr. Bruno-Thomas Mercier des Rochettes

« Quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt. »
Voilà un peu ce qui se passe aujourd’hui avec la multiplication des pains. Les foules voient un signe éclatant. Elles comprennent même que c’est un signe, que Jésus est le prophète annoncé. Mais au lieu de l’écouter, elles veulent le faire roi, pour avoir encore et toujours à manger de ce pain terrestre.

Oh, ne soyons pas trop durs avec cette foule. Elle n’a pas encore la Passion, la Résurrection, la Pentecôte, ni 2 000 ans de Tradition et de méditation chrétiennes. Et puis, elle a faim. Et ce, parce qu’elle a quitté ses villages pour suivre un peu Jésus. Elle est plus désireuse du salut, du Règne de Dieu, que beaucoup de nos contemporains. Elle connaît même les prophéties de l’Écriture mieux que bon nombre de chrétiens. Enfin, elle croit aux miracles. Elle sait que les miracles sont des preuves, de vraies preuves quand il s’agit de vrais miracles. Si quelque chose se produit non seulement par une puissance surhumaine, mais par une puissance surnaturelle, par une puissance proprement divine, si quelque chose arrive que même un ange ou un démon ne pourrait faire, c’est que Dieu se manifeste avec éclat.

Dieu, qui agit en toute chose et règle le monde par sa Providence, fait des miracles pour sauver la nature abîmée par le péché, pour réveiller l’attention des hommes endormis dans l’ignorance de Dieu, et pour confirmer la parole de ses prophètes. Il montre ainsi que tel homme parle en son Nom, et donc dit vrai.

Cela, les foules le savent, et elles l’ont reconnu dans les miracles du Christ. Elles vont même plus loin : Jésus n’est pas simplement un prophète, un porte-parole comme un autre. Il est le prophète annoncé, celui dont parlait Moïse en Dt 18, 18 (c’est facile à retenir !) : « Je ferai se lever […] un prophète comme toi. »

Bien sûr, Élisée aussi a multiplié les pains par la puissance de Dieu. Mais ce n’était pas le temps marqué pour la venue du Messie. Au temps du Christ, l’espérance messianique est à son comble. Le peuple est en attente. Si bien d’ailleurs que beaucoup suivront en ce temps-là des imposteurs. En outre, les prophètes annonçaient le Christ, et parlaient au Nom de Dieu. Jésus, lui, parle en son propre Nom, qu’il a reçu de son Père de toute éternité. Car il est Dieu né de Dieu.

Peut-être aussi certains auront remarqué que Jésus les a fait asseoir sur l’herbe, comme il était écrit au Psaume 22 : « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien ; sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. » Mais alors, ils auraient dû comprendre que Jésus est plus qu’un prophète. Il a bien droit au titre de roi, mais plus encore à celui de Seigneur, car il est le roi des prophètes, et le roi des rois. Il n’est pas seulement le messager, mais le message, pas seulement un porte-parole, mais la Parole même de Dieu. Il n’est ni un boulanger de talent, ni simplement un faiseur de miracles. Il est le Pain du Ciel et le Sauveur du monde.

Dieu seul — qui le premier s’est reposé de ses œuvres le septième jour — Dieu seul peut nous faire entrer dans son repos. Un repos intégral et éternel, un repos du corps et de l’âme : de l’âme par la vision de la face de Dieu, du corps par la résurrection glorieuse. Dieu seul peut nous donner Dieu. Et Dieu le veut. Et Dieu le fait.

C’est de tout cela que la multiplication des pains est le signe, comme aussi l’Eucharistie, dont ce miracle était une ultime préparation et préfiguration. Mais l’Eucharistie est bien plus. Car en elle est non seulement signifié, mais aussi contenu, le Royaume de Dieu. Par elle est non seulement signifié, mais aussi communiqué, la grâce divine. Ainsi que le dit l’antienne : « Ô banquet sacré, où l’on reçoit le Christ ! On célèbre le mémorial de sa passion, l’âme est remplie de grâce, et le gage de la gloire future nous est donné. »

Si donc nous avons quelques vacances en cet été, offrons au monde le témoignage de saints loisirs. Communions autant que possible. Recueillons avec soin les moindres parcelles des enseignements divins. L’Écriture Sainte vaut mieux que tous les magazines et romans de gare ! Et ce serait une honte, pour un chrétien capable, de mourir sans avoir lu la Bible.

Enfin, à l’heure où les princes de ce monde, en vulgaires Césars, se vantent d’offrir du pain et des jeux, rendons hommage à Notre Seigneur. Les Jupiter de pacotille, en vrais Dionysius, et maîtres ès bacchanales, ne peuvent pas même assurer à tous le pain terrestre. Demandons à Dieu pour nous et pour tous le pain quotidien, et surtout le céleste. Redoublons de prière pour notre pays, pour nos frères et pour nos chefs, pour les blasphémateurs et pour les lâches. Que le Seigneur règne sur nous par sa miséricorde plutôt que par sa colère. Qu’il ne nous châtie pas tous ensemble, ou pas sans fruit pour le salut de tous. Qu’une seule foi, qu’un seul baptême nous unissent sous un seul Seigneur. Amen.

Homélie sur Jn 6, 1-14.

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