La prière ça ne sert à rien ! Franchement, entre nous, avouez que nous ne sommes pas souvent exaucés. Nous avons beau demander avec ferveur une place de parking devant chez le boucher ou une bonne note au bac de français, nous sommes souvent déçus du résultat ! À la limite, ces préoccupations sont un peu superficielles mais même nos prières concernant des sujets profonds comme la guérison ou la conversion d’un proche n’aboutissent que rarement…
La prière ça ne sert à rien, la preuve, Jésus lui-même n’a pas été exaucé ! Nous venons de l’entendre dans l’évangile. Nous avons écouté ce sublime passage de la prière du Christ et il semble bien qu’elle ait manqué d’efficacité : « Père, garde mes disciples dans ton Nom que tu m’as donné pour qu’ils soient un comme nous. » On ne peut pas dire que les chrétiens sont particulièrement unis… On voit surtout de la division, des schismes, des guerres de chapelle. « Je parle ainsi dans le monde, afin qu’ils aient en eux-mêmes ma joie complète. » Là encore cette joie complète n’est pas franchement visible, et l’on pourrait continuer…
Alors si le Père n’accorde pas ce que le Verbe fait homme demande, à quoi bon prier !
Pourtant, Jésus nous a bien dit : « Demandez et vous recevrez », il nous a même appris à prier dans le Notre Père. La prière est essentielle à notre vie. Alors comment comprendre que certaines prières aboutissent et d’autres non. Pour y voir plus clair, je vous propose quelques critères d’une prière « réussie ».
Tout d’abord, Dieu n’exauce pas nos prières qui portent sur des choses mauvaises. Notre prière est une manière de causer un effet en demandant à Dieu de le réaliser. Je demande la grâce de la conversion d’un proche et Dieu accorde cette grâce. Il y a bien un rapport de cause à effet (la prière d’un côté, la conversion de l’autre). Dieu veut ainsi qu’un certain nombre de choses adviennent parce que nous l’avons demandé dans notre prière. Or Dieu ne veut jamais quelque chose de mauvais. Donc ça ne sert à rien de prier pour que la tondeuse à gazon du voisin tombe en panne à l’heure de la sieste.
Deuxièmement, Dieu n’exauce pas certaines de nos prières qui portent pourtant sur de bonnes choses parce qu’il veut accorder des biens supérieurs. Dieu est plus grand que notre cœur. Il voit plus loin que nous. Il veut plus et il veut mieux pour nous. Prenons le cas purement hypothétique d’un dominicain qui n’ayant que très peu préparé son homélie demande d’être inspiré au moment de sa prédication. Il est bon de demander cette inspiration, mais peut être que Dieu ne l’accordera pas. Ainsi notre bon frère se plantera magistralement, et travaillera sérieusement la prochaine fois, ce qui est meilleur pour lui (et pour ceux qui l’écoutent). Plus sérieusement, demander la guérison d’un proche est parfaitement légitime, mais peut-être que c’est au travers de cette maladie que cette personne vivra une véritable conversion. Or le salut est un bien infiniment supérieur à la santé du corps.
Ensuite, si Dieu n’exauce pas notre prière, c’est peut-être que nous avons manqué de persévérance. Dieu veut nous accorder certains bienfaits après que nous l’ayons demandé avec répétition, ferveur et constance. Car la prière est l’expression de notre désir. Quand je demande quelque chose à Dieu, j’exprime par là un désir. Et la persévérance dans la prière permet de faire le tri, de purifier nos désirs de leur égoïsme et de leur petitesse pour nous permettre d’exprimer ce qu’il y a de plus profond en nous, ce que nous voulons vraiment. Il y a toute une pédagogie divine qui se déploie alors et qui permet d’unir peu à peu notre volonté à celle de Dieu.
Cela étant dit pourquoi le Christ ne semble pas être exaucé ?
Après tout, il ne demande rien de mauvais et que pourrait-on désirer de meilleur pour le disciple que cette unité, cette joie complète, d’être gardé du Mauvais ou encore d’être sanctifié dans la vérité. Il n’y a aucune trace d’égoïsme, aucune imperfection dans la prière du Christ, contrairement à la nôtre. Pas besoin de répétitions, de purification du désir. Car sa volonté est totalement accordée à celle de Dieu puisque son humanité est parfaitement unie au Verbe. Ce que Jésus veut, le Père le veut et sa prière est donc nécessairement exaucée en un seul acte parfait.
En réalité, c’est notre étroitesse d’esprit et notre manque de hauteur qui nous empêchent de voir l’efficacité de la prière du Seigneur. Je prendrai juste un exemple de demande du Christ : celle de l’unité des chrétiens. Elle est parfaitement réalisée. Au ciel, les saints sont un comme le Père et le Fils sont un. Nous oublions trop souvent qu’une part immense de l’Église demeure dans la béatitude. Et sur cette terre, l’effet de cette prière se déploie malgré l’obstacle du péché. Depuis 2 000 ans, c’est le désir du Christ pour l’unité des disciples qui fait naître le désir d’unité dans le cœur des chrétiens. C’est de l’intérieur des âmes, par la charité, que l’unité se réalise.
Alors c’est sûr, nous n’avons pas la même patience que Dieu, nous voudrions nous y prendre autrement en imposant cette unité de l’extérieur, en recadrant d’un coup tout ce qui dépasse de nos conceptions souvent étroites. Ce serait plus efficace ! Mais quand les hommes se chargent de bâtir l’unité, ça ne finit pas très bien ! On aboutit assez rapidement sur un bon vieux totalitarisme où l’unité n’est qu’uniformisation et négation de la personne.
Non, l’unité de l’Église voulue et accomplie par Dieu est tellement plus profonde, plus respectueuse de ce que nous sommes.
En réalité, il n’y a rien de plus efficace que la prière de Jésus. Elle est la prière des prières et doit devenir un modèle pour nous. Un modèle parce qu’elle est l’expression d’une volonté humaine parfaitement accordée à la volonté divine et c’est ce vers quoi nous devons tendre. Un modèle également car on y retrouve ce que Dieu désire pour nous et donc ce qu’il y a de meilleur à désirer.
Alors mettons-nous à l’école du Christ, demandons-lui de nous envoyer son Esprit pour qu’il nous guide, qu’il purifie notre désir et conforme notre volonté à celle du Père. Et ainsi, nous ne dirons plus jamais que la prière ça ne sert à rien car nous serons toujours exaucés.