Le nom de Dieu et le signe de la Croix

Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Et après ?
Une phrase sans verbe n’a pas de sens. On peut dire, comme Jésus dans cet Évangile : « Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » ; alors la formule qui achève la phrase vient en complément, pour préciser comment administrer le baptême. Ou bien le policier peut dire : « Au nom de la loi je vous arrête » ; le complément précède, mais il motive l’autorité de celui qui agit. Mais, employée seule, la formule nous suggère de demander : qui fait quoi ? Qui ? Le ministre de l’Église, bien sûr, mais aussi tout chrétien. Cette invocation du nom du Seigneur, accompagnant le signe de la croix, est ce par quoi nous exprimons notre foi, notre adhésion, notre appartenance à Dieu en la trinité de ses personnes. Tout notre être, toute notre vie n’ont de consistance qu’au nom de cette Trinité. La moindre des actions faite en ce nom est précieuse ; la plus glorieuse faite sans ce nom est insignifiante. Cette parole prononcée et ce geste tracé, sur le nouveau-né comme sur le mourant, ouvrent et achèvent chacune de nos journées, chacune de nos célébrations, chacune de nos vies. C’est la prière minimale de celui qui n’a pas le temps, qui est trop fatigué, qui est éprouvé, qui est découragé. Le réveil vient-il à sonner ? Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit : toute la journée est offerte. L’heure du repos est-elle arrivée ? Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit : merci, Seigneur, pour tout le bon, pardon, Seigneur, pour tout le mal. Rentrons-nous dans une Église ? Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit : l’eau bénite me rafraîchit et me rénove. Suis-je en proie à la tentation ? Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit : j’invoque la force de Dieu. Suis-je en péril imminent ? Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit : je m’en remets à sa miséricorde.
Quel est donc ce nom si puissant, ce nom si consolant ? À Moïse qui formulait cette demande, une réponse mystérieuse fut donnée : « Je suis qui je suis » ou « Je suis celui qui est » ou encore plus simplement « Je suis » (Ex 3, 14). Réponse explicitée peu après : « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, riche en grâce et en fidélité » (Ex 34, 6). Voilà ce nom, ce nom unique. Car il n’y a pas un nom du Père, un nom du Fils, un nom du Saint-Esprit que nous rassemblerions en disant « aux noms du Père, du Fils et du Saint-Esprit », « car il n’y a qu’un seul Dieu, le Père tout-puissant et son Fils unique et l’Esprit-Saint : la Sainte Trinité », comme le remarque le Catéchisme de l’Église catholique (CEC 234) citant la profession de foi du Pape Vigile en 552.
Invoquer ce nom, honorer ce signe ont mérité la palme du martyre à tant de nos frères et sœurs chrétiens, dans l’œcuménisme du sang versé par amour. Invoquer ce nom, honorer ce signe, c’est consentir au dessein mystérieux de Dieu, en espérant contre toute espérance, quand la sagesse et l’amour de Dieu brillent d’une lumière trop vive à nos yeux. Invoquer ce nom, honorer ce signe, c’est, conduits par l’Esprit du Fils, devenir les fils de Dieu que nous sommes, libérés de l’esclavage du péché, et nous jeter dans les bras du Père en criant : Abba !
Frères et sœurs, ce signe de la croix, par lequel nous appelons la Trinité sainte, par lequel nous plaçons sur nous, comme un vêtement d’amour, la Croix du Christ afin qu’elle pénètre notre vie et que celle-ci devienne une offrande à la louange de sa gloire, c’est notre immense richesse de pauvres, notre trésor dans notre vase d’argile.
« Le mystère de la Sainte Trinité est le mystère central de la foi et de la vie chrétienne. Il est le mystère de Dieu en lui-même. Il est donc la source de tous les autres mystères de la foi, lumière qui les illumine. Il est l’enseignement le plus fondamental et essentiel dans la hiérarchie des vérités de foi » ; « un des mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s’ils ne sont révélés d’en-haut » (CEC 234 ; 237).
Outre les deux Symboles de la foi que nous connaissons dans notre liturgie, celui dit « des apôtres » et celui dit « de Nicée-Constantinople », un troisième Credo œcuménique dit « de Saint Athanase » prenait place dans l’office divin antérieur à la réforme liturgique. Il est malheureusement rarement cité et donc largement méconnu. Pourtant il est riche de l’expression de ce mystère central de notre foi, celui de la Sainte Trinité :
Quiconque veut être sauvé doit, avant tout, tenir la foi catholique. S’il ne la garde pas entière et pure, il périra sans aucun doute pour l’éternité.
Voici quelle est la foi catholique : Vénérer un seul Dieu dans la Trinité et la Trinité dans l’unité, sans confondre les personnes et sans diviser la substance.
La personne du Père est une, celle du Fils est une, celle du Saint-Esprit est une ; mais le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne forment qu’un seul Dieu.
Ils ont une gloire égale et une majesté coéternelle.
Tel est le Père, tel est le Fils, tel est le Saint-Esprit.
Le Père est incréé, le Fils est incréé, le Saint-Esprit est incréé.
Le Père est immense, le Fils est immense, le Saint-Esprit est immense.
Le Père est éternel, le Fils est éternel, le Saint-Esprit est éternel : et cependant il n’y a pas trois éternels, mais un seul éternel ; de même, il n’y a pas trois incréés, ni trois immenses, mais un seul incréé et un seul immense.
De même, le Père est tout-puissant ; tout-puissant est le Fils, tout-puissant le Saint-Esprit ; et, cependant, il n’y a pas trois tout-puissants, mais un seul tout-puissant.
De même, le Père est Dieu, le Fils est Dieu, le Saint-Esprit est Dieu ; et, cependant, il n’y a pas trois Dieux, mais un seul Dieu.
De même, le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur et le Saint-Esprit est Seigneur ; et, cependant, il n’y a pas trois Seigneurs, mais un seul Seigneur ; parce que de même que la vérité chrétienne nous oblige de confesser que chaque Personne séparément est Dieu et Seigneur, de même, la religion catholique nous défend de dire trois Dieux ou trois Seigneurs.
Le Père ne tient son existence d’aucun être ; il n’a été ni créé ni engendré.
Le Fils tient son existence du Père seul ; il n’a été ni fait ni créé, mais engendré.
Le Saint-Esprit n’a été ni fait, ni créé, ni engendré par le Père et le Fils, mais il procède du Père et du Fils.
Il y a donc un seul Père, non trois Pères, un seul Fils, non trois Fils, un seul Esprit-Saint, non trois Esprits-Saints.
Et dans cette Trinité, il n’y a ni passé, ni futur, ni plus grand, ni moins grand ; mais les trois personnes tout entières sont coéternelles et coégales ; de sorte qu’en tout, comme il a été dit déjà, on doit adorer l’unité dans la Trinité et la Trinité dans l’unité.
Celui donc qui veut être sauvé doit avoir cette croyance de la Trinité.
