Homélie du 10 décembre 2017 - 2e dimanche de l'Avent

Préparer la route au Seigneur

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Le Seigneur vient. Ce message de l’Avent n’est pas seulement celui d’un petit temps précédant Noël. C’est celui de l’ensemble de l’histoire humaine, celui de l’espérance d’Israël exprimée par les prophètes, celui de l’Église qui espère le retour glorieux du Christ. L’Avent n’est pas un moment, un intervalle, un prélude. C’est tout le temps des hommes qui est un Avent ; et l’Avent liturgique est une occasion d’intérioriser l’Avent perpétuel, le désir jubilatoire de la rencontre avec Dieu. Dieu vient à l’homme. Dieu n’est pas un surhomme, ni l’homme un demi-Dieu : Dieu est infini, immortel. Même un académicien brillant et l’idole des jeunes sont mortels : Jean d’Ormesson et Johnny Hallyday le savaient mieux que ceux qui sont frappés de stupeur par leur décès prévisible. L’homme est fini, l’homme est mortel. Dieu n’est pas un homme meilleur que les autres. Il est autre que tous les hommes. C’est pourquoi la rencontre, la présence mutuelle entre Dieu et l’homme est impossible si Dieu ne vient pas à l’homme, ce qu’il fait en Jésus ; et ce faisant c’est le salut qui vient à l’homme. C’est sa manière, à Dieu, de nous sauver : en nous visitant.

Parce que le Seigneur vient, il faut préparer sa venue. C’est la conviction, c’est la mission de Jean. Il est encore prophète, le plus grand de toute l’ancienne alliance, mais il n’est pas seulement homme de parole qui annonce, il est aussi homme d’action qui procure à la parole son effet. Il dit qu’il faut préparer la route au Seigneur, et il le fait dans l’humilité. La manière dont il désigne celui qui vient tout en s’effaçant devant lui est une grande et permanente leçon pour l’Église. Combien de fois ai-je été conduit à dire à des personnes blessées : votre problème est de porter sur Dieu votre difficulté avec l’Église, et en réalité plutôt avec sa hiérarchie. Fâchez-vous avec l’Église tant que vous voulez, mais gardez la main de Dieu dans la vôtre. Il sera bien temps après de découvrir l’Église que nous croyons : une, sainte, catholique et apostolique, celle que souvent nous ne pouvons pas voir ainsi. L’Église est une réalité merveilleuse d’une communion de grâce et de sainteté : peuple de Dieu, corps du Christ et temple de l’Esprit, nous dit Vatican II. Mais elle est faite de pécheurs, et ce péché est un douloureux obstacle qui empêche parfois de mener vers Dieu, de préparer la voie au Seigneur.

C’est pourquoi préparer la venue du Seigneur, c’est écarter les obstacles, aplanir la route, abaisser les collines et combler les ravins. Tel est le message de Jean, telle est aussi son œuvre. Le Baptiste prépare en effet la venue du Seigneur en guidant les foules au Jourdain, en provoquant l’aveu — public de surcroît — des péchés. Qu’il s’agisse de la colline de l’orgueil à abaisser ou des ravins du doute ou de la désespérance à combler, c’est dans le baptême que se joue l’ultime préparation à la venue du Seigneur. Et le baptême dans l’eau par Jean n’est, aux dires de celui-ci, que l’annonce du baptême dans l’eau et dans l’Esprit, réalisé en Jésus. Bien des chrétiens ne vont pas communier à Pâques sans s’être confessés. Il n’y a pas moins de raison de le faire avant Noël : préparer la route au Seigneur, c’est écarter l’obstacle — d’abord en soi — du péché.

C’est aussi s’employer à la paix. Le Maître de l’Ordre des prêcheurs souhaite que nous intensifiions en ces jours notre prière pour la paix, en Colombie et en tout lieu de la terre où elle est compromise. Outre les deux personnalités françaises évoquées tout à l’heure, un de nos frères a été appelé par Dieu : le fr. Henri Burin des Roziers, l’avocat au Brésil des « sans terre » spoliés par les grands propriétaires terriens. Ce redoutable avocat faisait l’objet de menaces de mort car son combat pour la justice dérangeait les intérêts des puissants. Mais il n’y a de paix durable que fondée sur la justice. C’est pourquoi ce frère mérite bien la béatitude évangélique : « Bienheureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. » Or seul un cœur pacifié peut construire la paix autour de soi. Voilà pourquoi Jésus est le Prince de la Paix : car il est celui qui peut, au plus intime d’un cœur, verser le baume de la tendresse et de la miséricorde de Dieu. Pureté du cœur et paix. Préparons ainsi Noël.

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