Homélie du 27 novembre 2022 - 1er Dimanche de l'Avent

Se préparer à être surpris

par

fr. Timothée Lagabrielle

Ce serait bien pratique — vous serez sans doute d’accord avec moi — de pouvoir savoir quand les voleurs ont prévu de venir nous visiter. Ce serait bien utile d’avoir, par exemple, une appli mobile qui dirait où et quand les cambrioleurs vont opérer. On pourrait prendre ses dispositions : au moins sauver ce qui a une valeur sentimentale en le mettant à l’abri. Mais le propre du voleur est de ne pas prévenir.

De même, ce serait bien pratique de savoir quand le Seigneur va venir dans sa gloire pour, à ce moment-là, être trouvé en état d’entrer au paradis. Ou bien, si on savait que la parousie — sa venue glorieuse — est pour après notre mort, ce serait bon de savoir quand on va mourir pour ne pas être pris au dépourvu, pour pouvoir, au moins, bien se confesser.

Mais Jésus nous dit justement que nous ne connaissons pas la date du Jour du Seigneur. Et quand il en parle et qu’il donne des indications — comme dans l’évangile d’aujourd’hui — c’est pour nous dire qu’il va venir au moment où on n’y pense pas. Merci Seigneur, nous sommes bien avancés !

Cependant, en y réfléchissant, n’est-ce pas le propre d’un bouleversement de ne pas être bien anticipé ? Car justement, un bouleversement (et la venue du Seigneur à la fin des temps en sera un grand !) bouscule le cours normal des choses et ne se laisse pas bien prévoir. Pensons aux bouleversements que nous vivons : qui peut prévoir ce que va devenir l’Église, le climat, la société… Et, ce n’est pas parce que Jésus associe souvent la fin des temps avec des catastrophes que nous sommes obligés de ne penser qu’à des bouleversements catastrophiques. La venue d’un enfant est un bon exemple d’heureux bouleversement que nous pouvons avoir en tête au début de l’Avent. Quand un enfant arrive, on ne sait pas exactement comment cela va se passer — surtout si c’est le premier enfant d’un foyer de jeunes mariés. Ces futurs parents auront beau avoir eu une formidable préparation au mariage, avoir gardé les enfants des autres, avoir lu des livres ou regardé des tutos sur YouTube, ils vont être surpris. Il en est de même pour la venue de Jésus. Pas pour sa naissance, puisqu’elle est dans le passé, nous la connaissons bien, mais pour sa parousie. Nous allons être surpris.

Nous savons que nous allons être surpris, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas nous y préparer. Au contraire, comme ces jeunes futurs parents consciencieux que nous avons évoqués, c’est parce que nous savons que nous allons être surpris que nous nous préparons. Nous pouvons être prêts pour la surprise, c’est-à-dire ne pas être surpris d’être surpris et être prêts à faire face, être prêts à s’adapter.

Pour comprendre comment se préparer, regardons comment Dieu lui-même prépare la parousie. Il prépare la venue du Fils de l’homme dans sa gloire en envoyant le Fils dans notre chair : l’Incarnation et la naissance de Jésus sont une préparation pour sa parousie. Et cette naissance de Jésus elle-même a été préparée par la venue du Saint-Esprit sur les prophètes de l’Ancien Testament. En fait, Dieu prépare sa venue… en venant ! Il prépare sa venue par d’autres venues. Il est venu et il vient pour préparer le temps où il viendra.

Jour après jour, il vient à nous pour nous préparer à cette fin des temps et à la grande rencontre avec lui. Ces venues quotidiennes ressemblent à ce que Jésus nous dit du temps de Noé : on peut y assister sans les remarquer. On peut y assister sans se douter de rien. Voyez la messe qui est, par excellence, sa venue quotidienne : Jésus vient substantiellement, mais on peut être présent à la messe et ne pas le reconnaître. De même qu’il fallait l’Esprit Saint pour que les prophètes discernent dans leur temps les signes de l’action de Dieu, ainsi nous avons besoin de la foi pour reconnaître l’action de Dieu dans notre vie. Jésus vient avec une certaine discrétion. Il sollicite ainsi notre attention. Pour nous préparer à sa venue surprenante, nous pouvons travailler notre attention à lui, pour savoir bien le reconnaître.

Nous préparons cet avenir en étant attentifs à l’instant présent. Dans cet instant présent, Dieu nous visite pour nous préparer à sa visite finale. Il anticipe ce futur à venir pour nous y préparer ; il commence à nous le faire vivre. Quand nous communions à son Corps, nous partageons sa vie comme il en sera au Ciel. Quand nous communions à son Sang, nous goûtons déjà au vin du banquet céleste de la fin des temps.

Je ne doute pas que vous allez bien préparer Noël. Dans vos préparatifs, n’oubliez pas cette attention aux venues quotidiennes de Dieu. Ne faites pas que des préparatifs matériels. Ils sont nécessaires et bons, mais ce n’est pas le cœur de l’Avent et de Noël. Ce serait dommage d’arriver le jour de Noël en étant comme ces familles qui préparent bien le déjeuner du baptême de leur enfant et qui oublient d’aller au baptême lui-même (il paraît que ça arrive régulièrement… mais rassurez-vous, pas sur notre paroisse !).

Cette attention aux venues quotidiennes du Seigneur est la meilleure façon de nous préparer à la surprise que sera sa grande venue à la fin des temps ou notre rencontre avec lui à la fin de notre vie.